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notes et discussions

passe pas ici sa propre pensée[1] : « La pure représentation d’un mot ne consiste donc en rien de plus qu’à savoir qu’il se passe quelque chose dans les muscles servant au langage. » Cela reviendrait à supprimer à peu près entièrement l’image auditive, comme instrument de la pensée. M. Stricker doit penser généralement par des des images motrices.

Ainsi les objets extérieurs ou, ce qui revient au même, nos sensations fortes ont pour substituts, entre autres (car l’idée existe, quoi qu’on en ait dit, et elle est aussi un substitut), ont pour substituts des mots, qui peuvent être eux aussi des sensations, comme quand nous lisons, écoutons ou parlons, mais qui peuvent être également des représentations faibles : Ces représentations faibles, substituts des mots et des objets, sont, d’après M. Stricker et pour M. Stricker, motrices ; elles sont pour moi surtout auditives, et je crois que la représentation auditive a, d’une manière générale, plus d’importance que M. Stricker ne lui en accorde. De même, les représentations faibles d’un sens quelconque me paraissent ne pas être liées indissolublement à une sensation motrice. L’image auditive peut subsister par elle-même, son association avec des images différentes est fréquente, mais à un point de vue abstrait, nullement nécessaire.

II

Dans le rapport des images visuelles et des images musculaires, M. Stricker me semble encore être allé beaucoup plus loin que l’expérience ne le permet. Je sens, comme les observateurs dont il parle, une sensation particulière dans l’œil quand je passe de la représentation d’un grand éloignement à la représentation d’un objet très rapproché. Cependant, ici encore, les deux sensations visuelles et musculaires me semblent plutôt liées par l’habitude et l’association que nécessairement enchainées l’une à l’autre. En effet, d’après M. Stricker, la représentation d’un grand éloignement est empêchée par l’acte de faire fortement converger les yeux. Il n’en est pas ainsi pour moi, et je puis, tout en faisant converger les yeux très fortement, de manière que la sensation particulière que donne ce mouvement soit nette et forte, je puis, dis-je, me représenter, et des objets très éloignés, en ayant le sentiment de cet éloignement.

Passons à une autre expérience signalée par M. Stricker. Tout le

  1. Le passage est entre guillemets dans la Revue.