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tre le monde comme phénomène, domaine de la nécessité causale, et le monde comme chose en soi, domaine de la liberté transcendantale, l’opposition reste aiguë, tranchée, inconciliable dans le système de Kant. — 10o Enfin la téléologie de la Critique du jugement, quoique ouvrant la voie vers une solution plus haute, n’est pas elle-même libre de ce dualisme impuissant de Kant. Ce sera cependant son immortel mérite o’avoir fondé ce système moral du monde, que l’on n’asseoir a fortement que lorsqu’on voudra pénétrer et comprendre le véritable esprit de l’idéalisme allemand, les grands systèmes des Fichte Schelling et Hegel

J. Lepsius. J.-H. Lambert. Munich, 1881. — Lambert, qui est avec Reinarus le plus grand penseur allemand de l’époque qui précéda Kant vit pâlir sa gloire devant celle de son successeur. Sa philosophie fut dominée par ses goûts mathématiques. Les idées de Locke et de Newton, qui pénétraient alors en Allemagne, agirent fortement sur lui ; comme Euler, Prémonval, etc., il considérait Locke comme son maître et le fondateur du criticisme, alors en lutte avec l’ontologisme de Wolf. Il voulut introduire dans la métaphysique la méthode des mathématiques ; il reconnut, en opposition avec les wolfens, que l’on ne peut élargir le savoir qu’en se basant sur des jugements synthétiques à priori, fondements d’une vraie métaphysique ; il distingua le réel de l’apparence, et réclama une critique phénoménologique des notions comme devant préparer la métaphysique. — Cependant, en admettant qu’il faut débuter par des notions intuitives, il restait dans les eaux du vieux rationalisme, et les résultats de sa philosophie ne différaient guère de la conception leibnitzienne du monde. Son principal titre à l’estime des philosophes est son Organon.

L. Buys. La science de la quantité. Bruxelles, 1880. — L’auteur traite de la partie la plus générale et la plus abstraite des mathématiques, c’est-à-dire de l’arithmétique, de l’algèbre et de l’analyse ; son ouvrage est philosophique en ce sens qu’il cherche à ranger la science de la quantité à sa place dans le système de la science. — La seconde partie de l’ouvrage intéresse directement le philosophe. L’auteur éprouve de l’aversion pour le positivisme moderne, dominé par l’esprit de négation. Ce qu’il veut, c’est la direction « réfléchie » donnée à la science par Descartes, et depuis par Krause, le « Descartes allemand ». Il marche sur les traces de ce dernier, part de son principe, du moi comme intuition primitive, donne son système des catégories ; dans cet ordre d’idées, la mathématique, ayant ses racines dans la métaphysique, doit s’étendre au côté formel du monde matériel, que les sciences physiques et naturelles étudient en lui-même. — Dans l’homme, le monde matériel rencontre le monde de l’esprit, et leur unité est dans l’idée de Dieu.

La science mathématique, au point de vue philosophique, est com-