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parmi les naturalistes et qui restent plus obscurs pour les degrés inférieurs de l’animalité. Ce n’est pas le moment d’en parler en détail. Au terme de ce travail, après avoir étudié les éléments constitutifs de la personnalité, nous la considérerons dans son ensemble. Il sera temps alors de la comparer aux formes inférieures par lesquelles la nature s’est essayée à la produire et de montrer que l’individu psychique n’est que l’expression de l’organisme : infime, simple, incohérente ou complexe et unifiée comme lui. Présentement, il suffit de rappeler aux lecteurs déjà initiés à ces études par le brillant article de M. Espinas sur Les colonies animales (juin 1882, p. 565) que, en descendant dans la série des êtres animés, on voit l’individu psychique se former par la fusion plus ou moins complète d’individus plus simples, — une conscience coloniale se constituer par la coopération de consciences locales. Ces découvertes des naturalistes sont de la plus haute importance pour la psychologie. Grâce à elles, le problème de la personnalité se transforme : c’est par en bas qu’il doit être étudié, et on est conduit à se demander si la personne humaine n’est pas elle aussi un « tout de coalition », dont l’extrême complexité nous dérobe les origines et dont les origines seraient impénétrables, si l’existence de formes élémentaires ne jetaient quelque jour sur le mécanisme de cette fusion.

La personnalité humaine — la seule dont nous puissions parler pertinemment surtout dans une étude pathologique — est un tout concret, un complexus. Pour le connaître, il faut l’analyser, et l’analyse ici est fatalement artificielle, car elle di nt des groupes de phénomènes qui ne sont pas juxtaposés, mais coordonnés, dont le rapport n’est pas de simple simultanéité, mais de dépendance réciproque, Ce travail est pourtant indispensable. Adoptant une division claire et qui, je l’espère, se justifiera d’elle-même, j’étudierai successivement les conditions organiques, affectives et intellectuelles de la personnalité, en insistant sur les anomalies et les désordres. Une étude finale nous permettra de grouper de nouveau ces éléments disjoints.

II

J’insisterai longuement sur les conditions organiques, parce que tout repose sur elles et qu’elles expliquent tout le reste. La psychologie métaphysique s’en est peu occupée, et c’était logique, puisque pour elle le moi vient d’en haut et non d’en bas. Pour nous, au contraire, c’est dans les phénomènes les plus élémentaires de la vie qu’il faut chercher les éléments de la personnalité ; ce sont eux qui lui donnent sa marque propre, son caractère. C’est le sens organique,