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susceptible de preuve, qu’elle est une de ces « unreal propositions » dont il a été question plus haut, ou qu’elle est une pure assertion à laquelle incombe le fardeau de la preuve, ou qu’elle ne résulte pas nécessairement des raisons sur lesquelles elle veut s’appuyer. De là les chapitres qui vont suivre. :

Il est évident d’abord que les propositions identiques, verbales, tautologiques, ne comportent pas de preuve. Il est encore plus évident que les propositions dont les termes se contredisent ne peuvent pas en recevoir. Elles se détruisent elles-mêmes. Enfin il y a des termes qui n’ont point de sens, comme les termes qui expriment des mystères théologiques. Il y en a d’autres qu’on ne peut définir, comme le mot Etre, qui exprime le summum genus, parce que notre pouvoir de définition est limité. La conclusion de ce chapitre est contenue dans cette phrase humoristique : « Etablir ou ruiner quelques hypothèses réelles peut être aussi difficile qu’établir une dynastie ou éloigner une montagne ; mais soutenir ou prouver une unreal proposition est aussi impossible que soutenir un prétendant mort ou ôter son chapeau quand on est déjà tête nue. » Ceci fait le sujet du second chapitre.

Le troisième traite d’un sujet très important, que presque tous les logiciens ont négligé pour l’abandonner aux juristes. À qui incombe le poids de la preuve ? Celui qui affirme une thèse doit-il la prouver, ou est-ce au contraire celui qui attaque cette thèse qui doit prouver qu’elle est fausse ? L’auteur donne pour règle fondamentale cette maxime : Qui affirme doit prouver. Par conséquent, toute assertion doit être soutenue par des preuves, à moins qu’elle ne porte avec elle son évidence. Mais cela ne dispense pas celui qui veut attaquer cette assertion de fournir lui-même des preuves. Car celui qui attaque une proposition affirme la négation de cette proposition. Il affirme donc et par conséquent doit prouver. Trois cas peuvent alors se présenter : ou celui qui affirme prouve son affirmation et celui qui nie ne peut la détruire, l’affirmation doit alors être reconnue pour vraie ; ou celui qui affirme ne peut prouver son affirmation et celui qui nie prouve sa négation, c’est alors cette négation qui est vraie : ou ni celui qui affirme ni celui qui nie ne peuvent prouver leurs dires, l’état qui est engendré par cette double impossibilité est le doute, l’abstention. — Par conséquent, le sceptique même est obligé de fournir la preuve de son doute, c’est-à-dire de montrer pour quelles raison il est impossible de prouver la vérité ou la fausseté d’une proposition. — Dans le cas même où une proposition pourrait invoquer en sa faveur la possession d’état et une sorte de prescription, elle ne serait pas moins obligée de fournir la — preuve de sa vérité. Ainsi la thèse de l’origine divine du christianisme, bien qu’elle soit presque unanimement acceptée en Europe depuis dix-huit siècles, n’est pas pour cela dispensée de fournir ses preuves. — Cependant quand un fait est en opposition avec une théorie scientifique universellement admise, on doit en demander la preuve et, pour cela, exiger la reproduction de ce fait. Ainsi on ne devrait admettre pour