Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
ANALYSES.menger. Méthode des sciences sociales.

étudiant un fait spécial par la théorie, le secours de l’histoire ne doit être qu’accessoire, c’est ce que cette école n’a pas compris et c’est pourquoi ses adeptes n’ont fait qu’une besogne d’historiens sans s’apercevoir qu’au lieu d’élever la théorie économique, ils ne faisaient qu’approfondir la connaissance des faits spéciaux. De même on se trompe en identifiant la théorie de la science économique avec la science pratique, politique, c’est-à-dire en identifiant la science théorique qui s’occupe de la nature générale et du rapport qu’il y à entre les faits économiques et la science qui traite des maximes pratiques de la direction opportune de l’état économique[1].

Les recherches théoriques peuvent être effectuées dans deux directions différentes : par l’étude réaliste-empirique et par la méthode exacte. La première a pour base les faits par lesquels elle apprend à connaître les types, les formes fondamentales des faits sociaux, le fond typique sur lequel les particularités et leur développement trouvent une place, à côté des lois empiriques, qui nous montrent la régularité dans la succession et la coexistence des phénomènes réels. La seconde méthode a pour point de départ des principes primitifs, élémentaires, qui sont en dernière analyse aussi empiriques, Cette méthode exacte demande donc plus d’abstraction, nous devons fouiller jusqu’à ce que nous ayons trouvé les principes les plus élémentaires, les principes cardinaux, afin de pouvoir déduire isolément de ces derniers les plus compliqués (p. 13)[2]. Le point de départ et le but de toute économie humaine (Wirthschaft) sont strictement déterminés (p. 45). La méthode exacte des recherches théorétiques a autant droit d’être que la méthode réaliste. Les économistes allemands considèrent encore « l’art de la pensée abstraite, quelque profonde et quelque originale qu’elle soit, quelque large base empirique qu’elle ait, pour quelque chose d’accessoire à côté des produits de l’assiduité d’un compilateur ! » (p. 18.)

Les deux méthodes mentionnées ont pour but de faciliter, chacune à sa manière, la connaissance théorétique de tous les phénomènes de l’économie. L’une ou l’autre ne prévaut que par des causes externes. En principe elles sont toutes deux parfaitement adéquates au sujet ; c’est ce que

  1. L’auteur trouve la cause de cette erreur dans le développement historique de l’intelligence théorique en général et de celle qui a rapport à la science économique en particulier. Mais cette nature de nos connaissances théorétiques en économie ne détruit pas le caractère théorique de la science économique (Nationalækonomie). — P. 25-80.
  2. On ne saurait nommer la méthode réalistique empirique inductive, pas plus qu’on ne peut nommer la méthode exacte déductive. L’auteur a là-dessus ses vues à lui qu’il exposera sous peu dans un volume à part et que nous résumerons comme suit : il y a une induction empirique, celle qui conclut de l’existence d’une pluralité de phénomènes compliqués à une généralité, induction dont la base psychique est une association d’idées et à laquelle correspond la méthode réalistique-empirique, — et il y a une induction exactesynthétique par laquelle nous concluons de l’existence d’un phénomène à l’existence d’une généralité de phénomènes essentiellement identiques, — méthode à laquelle correspond la méthode exacte.