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tradictoire de vouloir faire entrer dans la conscience ce fondement de notre vie psychique, puisque la conscience de cette activité supposerait à son tour une activité synthétique, et ainsi de suite à l’infini. Mais les degrés différents de cette énergie synthétique, qui n’a pas toujours la même intensité, servent à nous affermir dans la conviction de la réalité de cette supposition fondamentale pour la psychologie.

3o La répétition et la pensée. — La pensée a pour but d’unir légitimement les représentations entre elles. On s’est borné à remarquer que la répétition favorise l’association et on a cru que l’association était le seul principe ordonnateur du monde de la pensée. Sans doute j’aurai une tendance à penser à B lorsque A se montre, si A et B ont été vus souvent associés, mais cela suppose toujours que j’ai reconnu A. Toute association est donc d’abord une association par ressemblance et le rapport de ressemblance est la source la plus intime de toute association de représentations ; la liaison externe est conditionnée par la liaison interne.

Aucune association de représentations n’est impossible, Il s’agit de déterminer quelles associations sont légitimes : c’est le rôle de la logique, Elle nous montre que la pensée n’est possible que s’il y a reproduction des phénomènes dans Ia nature, c’est-à-dire des phénomènes internes et externes : sans la répétition, les concepts d’identité, d’égalité et de similitude ne pourraient se former. Les représentations individuelles sont soumises à la lutte pour l’existence ; mais nous ne sommes pas purement passifs dans cette lutte ; nous choisissons une de ces représentations individuelles qui nous sert de type et nous concentrons notre attention sur les éléments de ce type que nous changeons selon nos expériences et les problèmes à résoudre. Il en est de même pour les représentations générales.

La pensée logique repose donc sur l’idéalisation de la répétition. Son premier principe, le principe d’identité, suppose que tout concept et élément de concept doit être absolument identique à lui-même dans toutes les combinaisons possibles. Or il implique la supposition de l’identité de l’être qui a ces concepts successifs, car sans cette supposition, l’identité que suppose la comparaison d’où naît la pensée, n’aurait aucune valeur. L’apriorisme et l’empirisme interviennent ainsi l’un et l’autre dans l’explication de la pensée,

De même la recherche de la cause suppose la répétition. Les concepts d’identité et de causalité sont étroitement liés : on ne cherche une cause que lorsqu’il y a quelque chose de changé, Hume ne voyait dans la proposition : les mêmes objets produiront les mêmes effets dans les mêmes circonstances, que le résultat d’une habitude ; elle n’est en réalité qu’une définition du concept d’un objet identique : c’est-à-dire une proposition identique.

Enfin la répétition n’agit pas seulement sur la vie individuelle, elle agit sur les races ; chacun de nous, si l’on en croit Spencer et Darwin,