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a conservés[1]. En effet Censorinus lui-même, les Placita et un vers de Parménide conservé par Galien nous attestent que l’Eléate avait émis une autre opinion assez difficilement conciliable avec la précédente, et d’après laquelle le côté du corps d’où provient la semence détermine le sexe qu’elle tend à donner, masculin pour la droite, féminin pour la gauche.

Cette opinion qui, plus ou moins modifiée, fut appelée à une assez grande vogue parmi les successeurs de Parménide, est évidemment une pure hypothèse apriorique ; mais elle frappe par son caractère pythagorien ; c’est l’application risquée de la corrélation entre les deux couples de contraires, droit-gauche, mâle-femelle. Nous savons aussi par les Placita (V, 7) que Parménide avait établi de même la corrélation entre les deux couples mâle-femelle, froid-chaud, mais en considérant les femmes comme plus chaudes que les hommes ; tandis qu’Empédocle, en retournant la relation, se conforma plus exactement au parallélisme pythagorien.

Si ces rapprochements étaient suffisants pour asseoir une opinion, on pourrait dire que Parménide a certainement connu l’ouvrage d’Alcméon et qu’il l’a utilisé, mais sans s’astreindre aucunement à le suivre, qu’il a négligé ce que cet ouvrage pouvait contenir d’observations scientifiques, pour en exagérer la partie conjecturale en en poussant logiquement à bout les tendances pythagoriennes.

Il me reste à discuter plus amplement ce qui concerne le point capital du système de physique de Parménide, je veux dire le dualisme ; j’aborderais ensuite l’examen de sa cosmologie.


III

« D’autres Pythagoriens admettent les dix principes qu’on appelle coordonnés (κατὰ συστοιχίαν) ; limite-infini, impair-pair, un-pluralité, droit-gauche, mâle-femelle, en repos-en mouvement, droit-courbe, lumière-obscurité, bon-mauvais, carré-oblong. Ce semble avoir été à peu près l’opinion d’Alcméon de Crotone, soit qu’il la leur ait empruntée, soit qu’au contraire ce soit eux qui la lui aient prise ; il s’exprime en tout cas d’une façon analogue, lorsqu’il dit que la plu-

  1. Femina virque simul Veneris quum germina miscent
    Unius in formam diverso ex sanguine, virtus
    Temperiem servans bene condita corpora fingit ;
    At si virtutes permixto semine pugnent
    Nec faciant unam, permixto in corpore dirae
    Nascentem gemino vexabunt semine sexum.

    Pour le second vers, je suis la leçon de Diels (Doxographi, p. 193).