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TANNERY. — la physique de parménide

IV

J’arrive à la cosmologie de Parménide ; c’est dans ce domaine seul au reste que la science peut lui témoigner quelque reconnaissance. Nous avons vu que, pour la physiologie, son intervention après Alcméon n’a guère été heureuse ; quant à son dualisme, qu’il condamnait lui-même comme incompatible avec la notion de l’être, il ne présentait aucun avantage, il n’a marqué aucun progrès pour l’explication de la nature. En cosmologie au contraire, l’Eléate aura toujours l’immortel honneur d’avoir le premier proclamé la sphéricité de la terre, d’avoir publié cette vérité, qui, après avoir subi la contradiction pendant un siècle encore, devait être, à partir de Platon, définitivement acquise à la science.

Ce n’est point que la découverte lui appartienne probablement, et la tradition constante qui la fait remonter à Pythagore est sans aucun doute justifiée. La sphéricité de la terre paraît en effet un dogme propre aux Italiques, tandis qu’il est combattu par les derniers Ioniens et par les atomistes ; on a d’autant plus droit de le faire remonter au maître de l’école que sa constitution exigeait une puissance mathématique réelle, et que cette puissance ne peut être niée chez Pythagore, tandis qu’on n’a aucun motif pour la soupçonner chez Parménide. Il est à remarquer qu’au dogme de la sphéricité se lie naturellement la détermination des zones tempérées, que les Placita (III, 11) attribuent aussi à Parménide. La théorie doit également en remonter à Pythagore ; les connaissances géométriques qu’elle suppose, quoique déjà passablement complexes, ne dépassent point le niveau auquel on doit croire qu’il s’était élevé.

La seule objection qu’on puisse faire est qu’Alcrnéon aurait dû, avant Parménide, énoncer ce dogme de la sphéricité, s’il avait appartenu réellement à Pythagore. Mais, s’il y a quelque fond de vérité dans les légendes sur l’enseignement du Samien, il semble que cette objection est facile à réfuter.

On connaît le début du livre d’Alcméon : « Sur les choses invisibles, sur les choses mortelles, les dieux ont une claire connaissance ; aux hommes reste la conjecture. » On ne peut s’empêcher de rapprocher de ces paroles la position, si singulière qu’elle soit, que

    lune sont issus de la voie lactée. — Placita, V, 7. Les mâles ont été originairement produits au nord, les femelles au midi. — D’après Censorinus, Parménide aurait à très peu près expliqué comme Empédocle la production des êtres vivants. — D’après Saint-Hippolyte, il aurait dit que le monde est périssable sans expliquer comment.