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TANNERY. — la physique de parménide

1o L’enseignement ésotérique chez les Pythagoriens, abstraction faite de la partie mystique, devait essentiellement consister dans l’étude des quatre mathèmes, l’arithmétique, la géométrie, la sphérique (astronomie) et la musique.

2o L’enseignement de la physique était au contraire exotérique et présenté comme conjectural. À l’origine, le fonds en fut principalement fourni par la tradition ionienne (Thalès et Anaximandre), mise en rapport d’un côté avec les progrès des connaissances scientifiques, de l’autre avec une thèse dualiste et avec un dynamisme exprimé sous une forme plus ou moins mythique. Dans la suite, le fonds originaire fut librement modifié suivant les tendances personnelles des principaux chefs de l’école.

3o La thèse dualiste originelle, qui avait un caractère concret subit en particulier de très bonne heure des transformations radicales et finit par devenir purement abstraite.

4o Parménide, dans la partie de son poème πρὸς ἀλήθειαν, essaye de poser scientifiquement la thèse moniste en opposition au dualisme pythagorien ; dans la partie πρὸς δόξαν, il se montre réellement disciple de l’École ; s’il conserve sans doute une certaine indépendance, il marche dans le sens de l’enseignement qu’il a reçu, plutôt qu’il ne manifeste des tendances opposées.

5o Il peut n’être point exact de dire que sa physique est pythagorienne, mais c’est qu’il n’y a jamais eu de physique pythagorienne réellement définie. En tout cas, elle constitue le document le plus considérable sur les opinions prédominantes au sein de l’École italique, au moment où il la composa.

Quant à la valeur que Parménide attribuait à cette physique conjecturale, il la définit lui-même par les paroles qu’il met à la fin du prologue dans la bouche de la divinité qui l’accueille :

« Il faut que tu apprennes toutes choses, et le cœur fidèle de la vérité qui s’impose, et les opinions des mortels, qui sont en dehors de la foi véritable. Mais néanmoins il faut que tu les connaisses et que tu saches, passant toutes choses en revue, bien juger de tout ce dont on juge[1]. »

Il est clair qu’il attribue en réalité à son exposition physique une importance considérable, tout en distinguant des vérités nécessaires les conjectures les plus plausibles. Mais le point important à discuter est de savoir s’il considère sa physique comme nécessairement fausse, ou au contraire s’il croit qu’elle peut être vraie, tout en restant fatalement indémontrable.

  1. Vers 28-32.