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TANNERY. — la physique de parménide

assez connu, je pense, pour qu’il me fût permis de le passer sous silence. Sans doute on l’a souvent exagéré ; mais il n’a jamais, que je sache, été sérieusement contesté, et en somme Ed. Zeller le maintient très fermement, tout en exposant la thèse sous une forme dont comme le remarque M. Dauriac, je me suis sensiblement rapproché quant au fond des choses.

Pour en venir à la note : Sur les origines logiques de la doctrine de Parménide, je n’ai nullement l’intention d’en combattre la conclusion générale, quoique j’eusse des réserves à faire sur certains points de détail. Ainsi, je ne crois nullement que Parménide s’adresse à l’école d’Héraclite, qu’il soit exact de traduire l’être et le non-être par l’un et le multiple. Je partage entièrement à cet égard l’opinion d’Ed. Zeller, qui me paraît avoir démontré historiquement que le poème de l’Eléate et le « logos » de l’Éphésien sont sensiblement de la même date, et qu’aucun des deux auteurs n’a connu l’œuvre de l’autre.

Je dirai plus : de toutes les doctrines ioniennes, celle d’Héraclite est en fait la plus voisine du système de Parménide ; l’Éphésien est moniste, et il nie la révolution diurne ; au point de vue concret que j’ai exposé, c’est là l’essentiel. Évidemment, si l’on se borne au point de vue abstrait, il y a une grande différence à s’attacher à la permanence de l’être ou à insister sur l’universalité du devenir. Mais la divergence n’existe que dans les tendances individuelles des deux pensées ; elles partent d’un même fond commun, et Platon essayera de les réunir.

M. Dauriac se résume en disant : « Le vrai Parménide est, quoiqu’il en ai dit, un logicien idéaliste. » Pour logicien, tout le monde est d’accord ; pour idéaliste, je dois expliquer comment je conçois qu’il l’a été, ou plutôt qu’il l’est devenu.

Si nous n’avions que son poème, ce qu’il a dit, si Zenon n’était pas survenu pour nier la possibilité logique des phénomènes, ni Platon ni Aristote n’auraient attribué la même doctrine à Parménide, et nous le considérerions sans doute comme un pur réaliste. Je crois qu’il l’était vraiment quand il a écrit son poème, et que c’est pour cela qu’il l’a écrit comme il l’a fait, sans chercher à s’élever au-dessus du point de vue concret où chacun avant lui était fatalement resté attaché. Mais son œuvre eut un succès mérité, on admira sa puissance logique, et un de ses admirateurs au moins, un de ses jeunes amis, essaya d’imiter et de pousser plus loin ses raisonnements. D’autre part, il suscita des contradicteurs, et il eut sans doute à défendre lui-même, au moins verbalement, ses opinions.

Le peu de précision de sa langue poétique, défaut que, malgré