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de cette conception générale : telle est la surexcitation de la mémoire pendant la fièvre, alors que la rapidité de la circulation est excessive et que le sang est chargé d’éléments provenant d’une dénutrition trop rapide ; tel le ralentissement de la reproduction des souvenirs chez les vieillards, dont le sang circule lentement et est moins riche en globules et en albumine ; telle enfin l’exaltation de la mémoire quand la circulation a été modifiée par des stimulants, hachisch, opium, etc., avant que ne se soit produit l’état final de dépression.

Après avoir ainsi résumé les conclusions de M. Ribot, il convient, avant d’exposer la théorie de Malebranche sur la mémoire, de préciser quelles étaient ses connaissances générales sur la physiologie du système nerveux. Ainsi que nous allons le voir, il unissait, comme Descartes du reste, à des connaissances très exactes des hypothèses fausses, qu’il ne distinguait pas bien de ses connaissances positives.

Il sait que les modifications produites à l’extrémité périphérique des nerfs donnent lieu à une transmission qui provoque une modification cérébrale, et que celle-ci est accompagnée d’une sensation. Si la modification nerveuse ne se transmet pas jusqu’au cerveau, il n’y a aucune sensation ; mais, par contre, une modification cérébrale est accompagnée de sensations, alors même qu’elle n’a pas été produite par une modification périphérique. Quant aux mouvements, ils sont excités par des modifications nerveuses qui, parties du centre, provoquent à l’autre extrémité la contraction des muscles. Malebranche ignore toutefois la distinction des nerfs sensitifs et des nerfs moteurs.

Voilà, en résumé, quelles sont ses connaissances positives ; voici maintenant ses hypothèses. Le sang comprend des parties différentes, parmi lesquelles les plus subtiles sont des corps très petits et qui se meuvent très vite, que l’on appelle esprits animaux. Ces petits corps pénètrent dans les nerfs et dans la matière cérébrale, et c’est par eux que s’opère peut-être la transmission nerveuse. Le cours des esprits animaux dans le cerveau, sous l’action des excitations extérieures, imprime dans le cerveau certaines traces qui sont les modifications correspondant aux diverses sensations et aux diverses idées, ou plutôt la modification consiste dans l’excitation produite par le cours des esprits dans ces trous ou petits canaux qu’ils entourent. De prime abord, Malebranche indique nettement le caractère hypothétique de ces conceptions, mais ensuite il adopte l’hypothèse, et toutes les fois qu’il parle des modifications cérébrales, il en fait des traces où circulent des esprits animaux. Il résulte de là que ses considérations les plus pénétrantes revêtent une apparence surannée et