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ANALYSES.ch. dunan. Essai sur les formes a priori, etc.

affirmer l’innéité, non des facultés du temps et de l’espace, mais simplement des représentations ; autres difficultés, puisque nous ne pouvons concevoir un temps vide d’événements et un espace vide d’objets corporels ; puisque c’est attribuer à l’esprit des conceptions à la fois positives et indéterminées ; puisque le temps et l’espace, s’ils sont de simples formes ne sauraient être pensés et s’ils peuvent être pensés doivent se dédoubler eux-mêmes en sujet et en objet ; puisqu’enfin c’est de la manière la plus arbitraire que Kant attribue l’apriorisme aux formes de la sensibilité alors qu’il la refuse aux catégories de l’entendement qui ne sont ni moins universelles, ni moins nécessaires, On voit par cette rapide analyse de quelle manière vigoureuse M. Ch. Dunan critique la critique de Kant. Le chapitre consacre aux théories nativistes et empiristes est peut-être moins nouveau et moins satisfaisant :

Il me semble que M. Ch. Dunan s’est plutôt attaché à mêler les questions dans le but de les rendre solidaires et de préparer sa solution que de les distinguer et de les séparer, selon les prescriptions de la méthode. Pourquoi ne pas admettre comme point de départ et pour les nécessités de la discussion la division si naturelle de la question de l’espace en trois questions distinctes : 1o quelle est sa nature métaphysique ? (objective ou subjective) 2o quelle est sa genèse comme phénomène psychique ; 3o quels sont les fait internes par lesquels nous nous orientons dans l’espace ou quels sont les repères psychologiques par lesquels nous établissons dans l’espace une sorte de triangulation mentale ? M. Ch. Dunan se contente d’une exposition un peu écourtée du nativisme et de l’empirisme et se rallie un peu arbitrairement à l’hypothèse de la projection, c’est-à-dire à l’opinion d’après laquelle le point lumineux serait donné immédiatement projeté dans l’espace, et la perception des surfaces serait au contraire objet de construction et d’expérience. En discutant les théories relatives à l’espace, M. Ch. Dunan ne perd pas de vue la notion de temps ; qu’est-ce en effet pour nous qu’une certaine étendue visuelle, sinon la totalité des perceptions que nous donne notre œil se mouvant pendant un temps donné avec une vitesse donnée ? Temps et espace sont connus en fonction l’un de l’autre. Si vous vous refusez à voir dans le temps un élément de la représentation de l’espace, vous supprimez l’espace lui-même et avec l’espace le temps qui ne se mesure que par l’espace combiné avec la vitesse. De cela seul nous pourrons conclure que ni lune ni l’autre de ces deux notions n’est vraiment primitive et irréductible. Mais quelle est leur racine commune, la nature naturante d’où jaillissent ces deux fleuves parallèles ou plutôt ces deux flots qui coulent dans le même lit et se pénètrent mutuellement ? De quel processus fondamental l’esprit a-t-il tiré la double loi qu’il suit dans la constitution de ses représentations ? Ce processus, nous dit M. Ch. Dunan, est celui de l’unité multiple et de la multiplicité une et il a deux moments qui ne sont autres que l’analyse et la synthèse. C’est sur la matière même des sensations éparses,