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ANALYSES.r. koeber. Le système de E. de Hartmann.

dans son apparence, se convertit en occasion de bien, s’abaisse à portée de la main en fruit de mérite et de vertu, sitôt que le front foudroyé s’incline, sitôt que la volonté humaine se soumet. Le complément universel de toutes nos insuffisances, le correctif de toutes les inflictions, la concordance de tout ce qui jure et crie…, c’est d’accepter ; — oui, c’est de vouloir la douleur, la mort… Tous ces maux n’existent véritablement plus dès qu’on le veut, ou du moins ils n’existent que pour devenir des sources guérissantes dans leur amertume. »

Ne reconnaissez-vous pas déjà, à ce langage, et si peu que vous en forciez la note, la doctrine de M. de Hartmann ou celle de M. Bahnsen, disant que le mal est venu de la volonté et qu’il faut mortifier notre volonté ? Il est vrai que, dans cette doctrine, la faute originelle est du fait de Dieu, qui n’en est d’ailleurs pas responsable, puisqu’il est l’inconscient. La douleur du monde n’en est pas moins une dure épine attachée à ses flancs, et c’est notre pauvre humanité qui a charge cette fois de délivrer son dieu, en provoquant l’anéantissement de l’acte de la volonté et la rentrée de la conscience dans l’inconscience !

Il ne manque pas d’autres rapprochements que je pourrais faire, et nous aurions à conclure, à voir la filiation et les aboutissements, que la philosophie qui est engagée en un cul-de-sac n’est peut-être pas celle que M. de Hartmann et son interprète pensent. Je ne sais si M. Koeber gardera intacte sa foi de disciple ; elle lui aura du moins fait écrire un bon livre, bien composé, clairement écrit, et vraiment utile à garder en une bibliothèque pour y représenter un important moment de l’histoire de la philosophie en notre siècle.

Lucien Arréat.