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J. LACHELIER. — psychologie et métaphysique

blent plus satisfaisantes en elles-mèmes : la méthode adoptée en commun par les deux écoles paraît jusqu’ici donner raison aux secondes. Mais cette méthode n’est-elle pas la seule possible et la psychologie, qui est une science de faits, peut-elle être autre chose qu’une science d’observation et d’analyse ? Si les conclusions de la nouvelle psychologie ne sont pas de notre goût, nous n’avons évidemment qu’une chose à faire : interroger à notre tour les faits de conscience et essayer d’en obtenir, au moins sur quelques points, une autre réponse.

Est-il vrai d’abord que ces faits ne soient pas réellement distincts des phénomènes du monde extérieur ?

Si la conscience n’est pas une réalité, nous sommes en droit de demander d’où nous vient l’illusion de la conscience. Être étendu et percevoir l’étendue sont, au moins pour nous et à notre point de vue, deux choses très différentes. Il est possible que la sensation ne soit, en elle-même, qu’un mouvement organique, qui va de la périphérie au centre, et que la volonté soit la continuation de ce même mouvement, qui retourne du centre à la périphérie : mais les faits de conscience que nous appelons sensation et volonté ne ressemblent, pour nous, ni au mouvement, ni à la perception du mouvement, ni même l’un à l’autre. D’où vient donc ce sujet qui apparaît ainsi à lui-même au sein d’un monde purement objectif, et d’où viennent, dans ce sujet lui-même, ces fonctions qui lui paraissent hétérogènes et irréductibles ?

De plus, où prend-on que ce monde extérieur, sur lequel on greffe ainsi après coup la conscience, existe d’abord en lui-même et en dehors de toute conscience ? Nous percevons, dit-on, les objets extérieurs comme quelque chose qui existe déjà hors de nous, et nous sentons très clairement, qu’en les percevant, nous ne les produisons pas. Oui, s’il s’agit de la perception réfléchie par laquelle nous essayons de nous rendre compte d’un phénomène donné : car il faut évidemment que ce phénomène nous soit déjà donné, pour que nous cherchions à nous, en rendre compte. Mais il n’en est peut-être pas de même de la perception directe, par laquelle les phénomènes nous sont donnés primitivement et avant toute réflexion. Une odeur, dit-on encore, un son, une couleur même, peuvent bien n’être que notre propre sensation d’odeur, de son, de couleur : mais l’étendue n’est pas en nous, car nous ne nous sentons pas en elle : nous la percevons, au contraire, comme une sorte de négation de nous-mêmes comme une existence étrangère à la nôtre et qui limite la nôtre. Sans doute : mais la question est toujours de savoir si cette existence est hors de nous par elle-même, ou si c’est nous qui l’y