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société de psychologie physiologique

gauche je n’entends rien. Je l’applique, toujours vibrant, contre un point quelconque de mon crâne ; l’intensité de la sensation dans l’oreille droite reste sensiblement la même, tandis que la sensation éprouvée dans l’oreille gauche, sensation qui était nulle, devient sensiblement aussi forte que l’autre.

De ces deux sensations consécutives, il se forme en moi la perception que le son s’est beaucoup plus rapproché de mon oreille gauche que de mon oreille droite. Comme de plus, dans la vie ordinaire, je n’entends avec mon oreille gauche qu’à la condition de placer les objets sonores tout contre le pavillon, je suis amené à conclure que le son se produit tout contre cette oreille. Le fait pathologique en question s’explique donc par un raisonnement devenu inconscient et enraciné par une longue habitude.

1re Expérience. — En admettant l’exactitude de cette explication il est évident, que si par un procédé quelconque je diminue la différence qui existe entre mes deux oreilles, si j’assourdis la bonne, par exemple, je dois, en vertu du principe posé plus haut, entendre le son plus près de la bonne oreille qui aura reçu, par l’air d’abord, puis par les os, deux sensations inégales. C’est ce qui a lieu. Je comprime fortement le lobe de mon oreille droite dans le conduit auditif ; si je pose alors sur mon crâne, tout près de cette oreille, le diapason vibrant, le son se localise, non plus dans l’oreille gauche, mais dans un plan vertical situé entre les deux oreilles.

2e Expérience. Le diapason étant posé contre l’os de l’oreille droite bouchée, je débouche cette dernière en laissant retomber le lobe. Immédiatement, le son se localise de nouveau dans l’oreille gauche et j’ai, très nettement, la sensation que le son quitte le plan vertical en question pour arriver avec une grande rapidité dans le pavillon gauche.

3e Expérience. — J’ai répété l’expérience avec des diapasons donnant des sons très aigus et très intenses, construits par M. Kœnig. L’expérience ne réussit pas, et le son aigu se localise dans l’oreille droite. Mais, si, dans l’air, je place le diapason aigu dans le voisinage de mon oreille gauche, je constate que j’entends le son produit très sensiblement aussi bien que dans l’oreille droite. On sait, en effet, que la sensibilité de l’oreille est beaucoup plus grande pour les sons aigus que pour les sons graves,

4e Expérience. — Je prends un diapason plat d’environ 40 centimètres qui, indépendamment du son normal qui est dans le voisinage du la du médium, donne un harmonique très aigu. Si je répète l’expérience, je constate, très nettement, que j’entends par les os le son grave dans la mauvaise oreille, et le son aigu dans la bonne. Si je répète l’expérience dans l’air, j’entends le son grave et le son aigu dans la bonne oreille et le son aigu seulement dans la mauvaise.

Ainsi : Toutes les fois qu’un son est perçu à peu près également dans l’air par les deux oreilles, il se localise dans celle des deux dont le