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SENSATION ET MOUVEMENT


L’impossibilité, dit Bain[1], d’estimer avec précision la quantité est, dans toutes les branches de la science, une défectuosité sérieuse ; elle empêche de faire de cette branche une science exacte. Il faut bien reconnaître que la psychologie est une des sciences dans lesquelles la notion de quantité est le plus difficile à acquérir, même approximativement. Cette difficulté me fera pardonner, j’espère, les imperfections de la tentative que j’ai faite en essayant de montrer, dans une série de communications à la Société de Biologie[2] et à la Société de Psychologie physiologique[3], que les excitations périphériques et les phénomènes psychiques qui en sont la conséquence s’accompagnent de manifestations motrices que l’on peut mettre en évidence même par des procédés grossiers, lorsqu’on se place dans des conditions favorables d’expérimentation. Quelques observations dans lesquelles il a été possible de mesurer à la fois l’excitation et la force produite semblent apporter la démonstration matérielle d’un certain nombre d’idées théoriques émises par les psychologistes modernes ; elles m’ont paru dignes d’être groupées et condensées.

I

Le naturaliste Péron avait, dès 1800-1804, constaté que les indigènes de la Nouvelle-Hollande et les Malais de l’île Timor, offraient une puissance d’effort musculaire beaucoup moindre que celle des marins français qui purent leur être comparés. M. Manouvrier[4] a fait la même remarque sur la plupart des sauvages exhibés au jardin zoologique d’Acclimatation ; et nous avons pu voir aussi que sur un certain nombre de nègres, l’énergie de l’effort de pression mesurée au dynamomètre manuel est moindre que chez la moyenne des Européens.

  1. Bain, Les émotions et la volonté, trad. franç., p. 23.
  2. Comptes rendus de la Société de biologie, 1885, pages 223, 242, 253, 270, 285, 316, 348, 362, 413, 416, 426, 437, 496.
  3. 27 avril 1885.
  4. Manouvrier, La fonction psycho-motrice (Revue philosophique, 1884, juin, p. 645).