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L’Être infini ne se distingue pas du monde : c’est à l’expérience qu’il appartient de nous révéler les lois de son existence et de son développement. Dans le Nouveau spiritualisme, M. Vacherot maintient que le parfait n’existe pas. « Qui dit perfection dit idéal, qui dit idéal dit pensée pure, c’est-à-dire un type supérieur à toutes les conditions de la réalité » (p. 302). Mais il renonce à la théologie de l’idéal, à l’espèce de géométrie religieuse qu’il rêvait. Il s’attache bien plutôt désormais à définir avec précision la nature de l’Être infini, auquel il ne refuse plus le nom de Dieu, qu’il reconnaît comme le Dieu réel et vivant.

La méthode de la théologie est celle de toute métaphysique : l’expérience, l’induction, l’analogie. « C’est encore une vieille thèse métaphysique à reprendre et à renouveler par les enseignements de l’expérience… Sur la question de Dieu, comme sur celle de l’âme, comme sur celle de la matière, il s’agit seulement de voir s’il n’est pas possible, avec les simples données de l’expérience, d’aboutir à une solution qui réconcilie la théologie rationnelle avec la science » (p. 289). Partons, comme toujours, des données de la conscience. C’est la conscience qui, en révélant les attributs de la nature humaine, conduit la pensée par l’induction à l’essentielle et intime notion de la divinité. Dieu nous apparaît ainsi comme une cause créatrice et finale, comme une véritable providence. « Mais la théologie psychologique s’en tient à un idéal de la personnalité humaine, dont elle fait l’essence même de la divinité. » La théologie spéculative reprend aussitôt l’avantage. Elle démontre l’impossibilité de concilier les attributs métaphysiques de Dieu avec la personnalité. Gardons-nous de l’anthropomorphisme, ne faisons pas de l’idée de Dieu un tissu de contradictions. Les attributs psychologiques ne conviennent à Dieu, ne l’oublions pas, que dans la mesure où ils sont conciliables avec les attributs métaphysiques. « Deux principes s’imposent à la pensée moderne, comme à la pensée antique : l’existence du monde veut une cause ; l’ordre du monde veut une cause finale. Quelle idée faut-il s’en faire ? C’est l’expérience intime qui, par la conscience de nos actes, nous révèle les notions de causalité et de finalité. Mais ne nous hâtons pas de transporter dans le divin tout ce que nous découvrons en nous-mêmes. N’enfermons pas l’infini dans les bornes d’une personnalité nécessairement limitée. « Cause première et fin dernière d’un monde où tout est causalité et finalité, voilà les deux seuls attributs humains qu’une psychologie discrète peut ajouter aux attributs métaphysiques de la nature divine, sans tomber dans l’anthropomorphisme » (p. 309).

Comment donc concevoir les rapports de l’infini au fini, de Dieu au monde ? Problème d’une solution difficile quand on ne veut sacrifier ni la pluralité des êtres, ni l’unité divine. M. Vacherot maintient la thèse de l’immanence. « L’immanence est pour moi une nécessité de la raison qui ne peut arriver à comprendre l’existence de cette cause au delà de l’espace et du temps. L’Absolu n’existe pas en dehors des réalités relatives dont l’ensemble forme l’univers. Dieu est la puissance infinie, éternellement créatrice, dont l’œuvre n’a ni commencement ni fin. » Mais