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tous les systèmes les uns par les autres pour les réconcilier dans une doctrine plus compréhensive. Quelque jugement qu’on doive porter sur le résultat poursuivi et sur les moyens mis en œuvre pour l’atteindre, une telle œuvre est manifestement un retour à l’idée dominante de l’éclectisme.

Nous n’avons indiqué que quelques-uns des sujets traités par M. Franck. Bien d’autres études, dans les Essais de critique philosophique, mériteraient une mention. Nous citerons principalement les articles si substantiels et si complets sur la philosophie au moyen âge, d’après M. Hauréau ; sur le mysticisme et l’alchimie au xvie siècle, d’après M. Prost ; sur les apôtres de la théocratie et du droit divin au xixe siècle, d’après M. Ferraz. L’auteur, en ne voulant faire couvre que d’histoire et de critique, touche à tous les grands problèmes et les contradictions mêmes que ne peuvent manquer de soulever les solutions qu’il en donne ajoutent à l’intérêt de son livre ; car nulle épreuve n’est plus profitable pour les convictions sincères que de se heurter à d’autres convictions également sincères, quand elles peuvent y reconnaître le fruit des persévérants efforts d’un esprit supérieur dans le cours d’une longue vie tout entière consacrée à la poursuite de la vérité.

Émile Beaussire
(de l’Institut).

Dr Paul Rée. — Die entstehung des Gewissens (l’Origine de la conscience). Berlin, C. Duncker, 1885. V-253 p. in-8o.

Ce livre de M. Paul Rée est un bon livre, simplement écrit, et qui repose sur un fond d’observations solide.

Pourquoi un acte est-il réputé louable on condamnable ? Telle est, dit M. Paul Rée, la question à résoudre, en définitive, et le moraliste n’a plus la ressource, pour se tirer d’embarras, d’en appeler à la révélation d’une voix divine dans la conscience humaine. Autant vaudrait entendre dans le glissement bruyant des entrailles la voix d’un dieu, à la manière des anciens. Mais l’explication naturelle des phénomènes moraux semble dégrader Dieu et l’État, ce qui a rendu nos devanciers timides à l’entreprendre. Une autre cause de leur impuissance a été qu’il leur manquait la méthode de comparaison, permise enfin en ces matières grâce aux récits des voyageurs, et la considération du temps, si récemment introduite dans l’étude des phénomènes de la vie.

Notre conscience est formée de ces trois éléments : la peine punissante (Strafe), le châtiment par la divinité, le commandement moral (Gebot et Verbot). L’origine de ces éléments doit être cherchée dans l’histoire, et l’origine de la conscience même dans l’homme individuel. De là l’ouvrage, bien que divisé en trois livres, comprend effectivement deux parties distinctes, l’une historique, et l’autre psychologique (Avant-propos et Introduction).

Le premier livre — La conscience produit de l’histoire — se rattache