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ANALYSES.o. liebmann. Die Klimax der Theorien.

a pas de théories de cet ordre. Toute cette catégorie est vide, elle-même est une conception chimérique.

Toutes les théories rentrent dans le deuxième et le troisième ordre. La prétendue base solide de l’idéal de la science baconienne s’écroule sous nos pieds. Mais les étages supérieurs pour cela ne tombent pas. Ils restent et se maintiennent, soutenus qu’ils sont par les liens intellectuels qui forment l’ensemble, attachés aux solides crampons de la raison. Nous sommes sûrs que tout l’édifice de la science humaine depuis la première assise du terre-plein de la stricte recherche expérimentale jusqu’aux régions aériennes de la spéculation ontologique, forme un tout combiné, dont la base est le réel objet de la perception sensible. Mais partout s’y mêlent et s’adaptent d’autres éléments. L’organisme intellectuel des constructions théoriques est un produit de la constitution typique de l’intelligence humaine sur laquelle la nature des choses (natura rerum) par nous présupposée plane à une hauteur indéterminable.

Bref, comme résultat de cette critique ou révision, le vrai expérimentateur reconnaîtra qu’il existe, comme base solide dans la succession de nos perceptions, une nature fidèle à elle-même et à celle des choses, une logique objective immanente aux faits, et qui pourtant n’est pas perceptible, mais rationnellement construite par notre raison elle-même en vertu de certaines lois. Seulement il faut prendre soin que ce qui est connu d’abord empiriquement reste réellement ce qu’il est. C’est l’œuvre de la science.

Par là, se trouve éclaircie et démontrée cette partie de la thèse posée au début, déterminer l’ordre logique de la science expérimentale.

III. Reste un dernier problème à résoudre. Il est relatif à la métaphysique. Celle-ci, quel est son rôle ou sa fonction par rapport aux théories précédentes ? Or, une chose est à remarquer, c’est qu’entre les sciences positives fondées sur l’expérience et leurs théories, il y a des incompatibilités plus difficiles à concilier qu’on ne croit et qui sont de véritables antinomies. Ces incompatibilités, symptôme non équivoque de l’état provisoire de nos sciences spéciales, en vertu du plus élevé des principes logiques, le principe de contradiction, elles doivent disparaître, faire place à un système reconnu adéquat, qui mette les sciences d’accord entre elles, ce qui est leur état normal ou de perfection définitive. On se trouve ainsi conduit à admettre une plus haute instance, un tribunal suprême qui juge en dernier ressort et établisse la concordance. Ce tribunal existe-t-il ? L’auteur n’hésite pas à le dire : la métaphysique seule peut remplir cette haute fonction. On aimerait qu’il eût insisté davantage sur ce point et qu’il l’eût traité plus à fond et directement. Il fait très bien ressortir les incompatibilités dont il énumère les principales entre les sciences expérimentales, la chimie, la physique, l’organologie, la psychophysique, celles plus grandes encore qui séparent les sciences morales des sciences physiques. La chimie admet des atomes que nie la physique ou qu’elle envisage autrement.