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d’un grand nombre d’éléments psychiques. Examinons ces deux conditions.

1o Il y a, disons-nous, des impulsions arrêtées. En effet, l’acte, dans les conditions que nous lui supposons tout d’abord, s’accompagne généralement d’une certaine hésitation, on réfléchit le long du chemin pour savoir si l’on doit aller jusqu’au bout. L’hésitation est parfois si forte que l’on se retourne au milieu de la route ou au moment de mettre la main sur le timbre de la porte. De plus, pour peu que l’habitude manque, on ne sait trop comment se présenter ; on ignore, si l’on ne connaît pas les gens à qui l’on fait visite, quel est leur caractère, quelles sont leurs manières, et quelles sont celles qu’il convient le mieux de prendre en cette occasion. De là vient que plusieurs impulsions à divers actes qui naissent dans l’esprit sont non pas complètement repoussées, mais enrayées, et empêchées de se traduire par des mouvements musculaires. Ajoutons aussi, comme enrayées dans leur développement, les tendances qui tendraient à faire rebrousser chemin ; ajoutons encore les impulsions à la parole, enrayées souvent au point que l’on ne sait que dire, bien que des idées, c’est-à-dire des tendances à la parole nous viennent à l’esprit. Examinons au contraire ce qui se passe quand l’habitude a fait disparaître l’émotion. Nous voyons que toutes ces impulsions jadis arrêtées, n’existent plus, ont été supprimées, ou bien aboutissent à l’acte sans obstacle appréciable. Ni la tendance qui porte à se diriger vers une maison déterminée, ni celle qui porte à agir d’une certaine façon, ni celle qui pousse à prononcer de certaines paroles n’éprouvent de difficulté à se traduire par des actes ; tout se fait facilement et machinalement quelquefois.

2o Un plus grand nombre d’éléments psychiques, ai-je dit, prennent part à l’état de conscience, ou à la série d’états de conscience. Ce phénomène est une conséquence du précédent, l’impulsion étant arrêtée dans son cours et ne pouvant aboutir, ou n’aboutissant qu’avec peine à ces mouvements musculaires qu’on appelle gestes ou paroles, aboutit à des phénomènes psychiques ou à d’autres phénomènes organiques. En effet pour reprendre le même exemple, dans le cas que j’ai cité, les phénomènes psychiques abondent, les réflexions, les images se succèdent avec rapidité, l’imagination se donne libre carrière et atteint quelquefois à des résultats qui se rapprochent de la folie par la manière dont elle exagère les moindres détails. Quand l’habitude est intervenne, au contraire, et quand le sentiment a disparu, l’abondance des phénomènes psychiques disparaît, si bien que souvent des pensées ou des phénomènes affectifs se produisent qui n’ont aucun rapport avec l’acte accompli ; cet