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tendances s’accompagnent d’une idée nette de leur but. Nous avons là l’association d’un phénomène physiologique et d’un phénomène intellectuel auxquels vient se joindre, quand les conditions voulues sont réunies, un phénomène affectif. Le phénomène affectif existe quelquefois seul avec le phénomène physiologique, il constitue alors une tendance improprement appelée inconsciente puisqu’elle se manifeste à la conscience, mais qui ne s’accompagne pas d’une représentation nette de son but. Nous en avons peut-être un exemple dans un fait connu. Il s’agit d’un savant qui se donnait beaucoup de mal pour trouver la solution d’un problème sans pouvoir y parvenir, il abandonna ses recherches, puis il sentit dans son cerveau un nouveau travail obscur se faire dont il ne se rendait pas bien compte et qui commençait à l’inquiéter ; il s’aperçut tout à coup qu’il avait trouvé la solution cherchée en vain auparavant. On voit qu’il y aurait abus de mots à parler ici d’activité inconsciente : l’activité inconsciente serait celle qui ne se manifesterait à la conscience par aucun phénomène immédiat, ce qui n’est pas le cas ici. Il y avait simplement une activité inconnue. Supposons que le fait se fût répété plusieurs fois, il aurait fini par être classé et reconnu, perçu et non plus seulement senti ; le phénomène intellectuel aurait été plus net, mais on ne voit pas que le phénomène affectif conscient eût changé autrement que par ses rapports avec le phénomène intellectuel. Il est nécessaire de bien préciser les termes et d’analyser rigoureusement ; autrement on en viendrait à dire que tout phénomène psychique est inconscient, parce qu’il est l’effet d’un processus physiologique, et aussi parce qu’il n’est pas prévu par l’esprit, autrement dit parce qu’il n’est pas dans l’esprit avant d’y être.

Il faut convenir que les idées sont généralement peu nettes sur ce point. On s’imagine volontiers que c’est une opinion compréhensible que l’opinion d’après laquelle la conscience dirigerait les idées, ce qui supposerait que les idées existeraient comme telles avant d’arriver à la conscience, ou bien encore que les idées pourraient être connues par la conscience avant d’exister en fait, ce qui revient à dire, dans les deux cas, que les idées existeraient avant d’exister. L’attention, la connaissance, la conscience sont très souvent confondues. Il est sûr que, à un certain point de vue, on peut dire que la production de toute idée est toujours inconsciente, car elle est produite par des phénomènes physiologiques qui ne sont pas perçus par le sens intime ou qui plutôt sont perçus par le sens intime sous la forme de l’idée même. D’un autre côté, toute idée est forcément consciente sans quoi elle ne serait plus une idée, mais