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compagne aussi d’une certaine conscience immédiate d’autre chose que l’acte même de connaissance. D’un autre côté toute conscience implique quelque connaissance, quand ce ne serait que la connaissance vague de l’état de conscience connu comme tel. Et nous devons remarquer que la connaissance et la conscience tendent dans certains cas à se fondre dans un état unique. Nous trouvons ici dans le domaine des sentiments un phénomène analogue à celui de la perception dans le domaine intellectuel. La perception est un mélange d’activité sensorielle et d’activité intellectuelle, de connaissance médiate et de connaissance immédiate, la connaissance primitivement médiate étant, à la suite d’expériences répétées, devenue immédiate aussi. De même le phénomène intellectuel et le phénomène affectif s’amalgament pour ne former qu’un tout, la conscience et la connaissance se réunissent, la connaissance devient conscience ; en fait, les sentiments et les passions, à un certain degré de leur développement sont un mélange — 1o de sentiments immédiats ; 2o de sentiments médiats ; 3o de phénomènes intellectuels. Quand ces différents phénomènes se sont ainsi associés, il est bien difficile de les séparer et l’analyse quelque soigneusement qu’elle soit faite, court grand risque d’être artificielle. Que reste-t-il dans le phénomène de l’amour, par exemple, si on lui enlève sa partie intellectuelle, les images, les idées, etc., qui accompagnent le phénomène affectif ? On sait bien que l’amour n’est pas constitué uniquement par ces images et ces idées, mais il est bien difficile de définir très nettement ce qui reste. Quoi qu’on en ait dit, il reste autre chose qu’un sentiment de plaisir, il reste une tendance sentie, mais cette tendance sentie s’accompagne de phénomènes affectifs différents selon qu’elle s’accompagne de tel ou tel phénomène intellectuel. Nous voyons donc que, pendant une période importante de leur évolution les phénomènes affectifs s’associent étroitement aux phénomènes intellectuels ; ce n’est que à leur aube et à leur déclin, alors qu’ils ne sont pas encore connus et classés, ou alors qu’ils ne le sont déjà plus, que la dissociation s’effectue et que le phénomène affectif se montre à l’état de pureté relative. Il en est de même aussi pendant les périodes d’intermittence. Peut-être encore faut-il remarquer que, de même que nous l’avons remarqué pour ses rapports avec la conscience en général, le sentiment cesse de s’accompagner d’autant de phénomènes intellectuels, alors qu’il atteint son maximum de violence, la pensée, l’imagination deviennent alors impossibles, et quelquefois même la vie consciente.

Enfin nous pouvons examiner les rapports des sentiments avec l’activité motrice. Nous avons déjà vu un rapport général de l’activité