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ANALYSES.h. faye. Sur l’origine du monde, etc.

Kant a expliqué comment ce tourbillonnement devait entraîner l’aplatissement de la masse du système et sa concentration entre deux plans parallèles sous forme d’un disque tournant sur lui-même. Mais les éléments de ce disque sont indépendants, et, de même qu’une cause accidentelle a amené la formation d’une masse prépondérante au centre, d’autres causes accidentelles amènent la formation d’autres masses secondaires qui continuent à circuler autour du Soleil, et finissent par absorber la matière libre qui ne va pas se réunir à la masse centrale.

Ici encore, la conception de Laplace est beaucoup plus précise et plus satisfaisante.

Le disque formé par le Soleil et son atmosphère, en se refroidissant, abandonne successivement des anneaux qui deviennent indépendants et donnent ensuite naissance par concentration à une planète isolée ou accompagnée de satellites (par répétition du même phénomène), ou bien encore à un groupe de planètes comme celles qui circulent entre Jupiter et Mars.

À la vérité, pour expliquer la formation de ces anneaux primitifs, Laplace fait usage d’un théorème dont Kant est le premier inventeur, sans qu’au reste l’astronome ait rien su de ce fait ; mais ce théorème, Kant ne s’en était servi que pour rendre compte de la formation spéciale de l’anneau de Saturne et n’avait nullement su lui donner la portée générale qu’il prend dans le système de Laplace.

En troisième lieu, Kant a voulu expliquer comment le sens des rotations des planètes et de leurs satellites devait être le même que celui du tourbillonnement général ; mais son explication est tout à fait erronée, et des hypothèses qu’il fait, on devrait précisément conclure le contraire.

Laplace a bien vu la difficulté, et il a admis qu’un frottement entre les parties de l’anneau y produirait une interversion entre l’ordre des vitesses de l’intérieur à l’extérieur. Toutefois, M. Faye combat victorieusement cette hypothèse subsidiaire, et il montre que, dans la supposition d’anneaux détachés d’une masse centrale, telle que Laplace l’a formulée, le mouvement de rotation des planètes et de leurs satellites doit être rétrograde, ainsi que cela a lieu effectivement, du reste, pour les planètes extrêmes, Uranus et Neptune, mais non pas pour les planètes inférieures, de Mercure à Saturne.

Enfin, ce que dit Kant des comètes est un tissu d’erreurs sur lequel il vaut mieux ne pas insister ; en revanche, on doit signaler dans ses écrits l’opinion généralement attribuée à Herschell, que les nébuleuses résolubles en amas d’étoiles (et Kant suppose qu’elles le sont toutes) forment des systèmes analogues à notre voie lactée[1], mais en dehors de celle-ci et à des distances incommensurables.

  1. D’après le témoignage de Kant, ce serait à l’anglais Wright que serait due la première idée que l’ensemble des étoiles que nous voyons, constitue un sys-