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LA DOCTRINE DE L’ÉVOLUTION

COMME SYSTÈME PHILOSOPHIQUE



L’idée de l’évolution occupe une place tous les jours plus considérable dans les débats de la pensée contemporaine. Mon intention n’est pas d’aborder ici l’étude de cette théorie d’une manière complète, mais de l’envisager sous un seul aspect. L’évolution est une doctrine qui a sa place marquée dans la physique, au sens le plus général de ce terme, dans la biologie, dans la psychologie et dans l’histoire ; mais, pour un grand nombre de nos contemporains, elle a franchi les limites des sciences particulières pour devenir, comme M. Vacherot l’a fait remarquer[1], une des solutions du problème universel, c’est-à-dire un système de philosophie. C’est sous ce rapport spécial que je veux l’envisager, en n’abordant le terrain des sciences particulières que dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de mon dessein.

La philosophie, dans la haute et pleine acception de ce terme, est l’étude du problème universel que la raison, orientée vers l’unité, pose au-dessus des problèmes spéciaux qui font l’objet des sciences particulières. Toute recherche relative au principe de l’univers, quel qu’en soit le résultat, affirmatif, dubitatif ou négatif, constitue une philosophie. Mais, si l’on désigne par le terme de système une solution affirmative du problème posé, il n’existe au fond que trois systèmes : le matérialisme, l’idéalisme et le spiritualisme. Ces trois systèmes, à l’état pur, ou à différents degrés de mélange, et les luttes que leurs partisans ont soutenues entre eux ou contre les différentes formes du scepticisme constituent toute l’histoire de la pensée spéculative.

Le matérialisme cherche l’explication de l’univers dans l’objet des sens désigné comme matière ou comme force, il n’importe, et dans

  1. Le Nouveau Spiritualisme, page 336.