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part, supposons des sensations de même espèce, de même indice et de même intensité ; elles peuvent montrer une certaine différenciation qui laisse intacte l’impression de- ressemblance. Cette différenciation est susceptible d’augmentation et de diminution : elle est donc une grandeur, et une grandeur intensive, tout en ne nous apparaissant pas comme telle : ce sont les signes locaux. Nous sommes donc dans ce cas en présence d’un système à trois dimensions qui est le corrélatif transcendant de la forme d’intuition de la spatialité. Ce système qui est un analogue transcendant de la spatialité en diffère-t-il ? Non, car 1° ce que nous savons de la relation transcendante des monades, c’est un accord sur des points donnés avec la forme d’intuition spatiale ; mais de sa différence ou de sa ressemblance sur d’autres points nous ne savons rien. 2° Il serait bizarre que la causalité transcendante des monades entre elles comportât le temps comme force immanente de son action et, au lieu de la forme spatiale de l’intuition, une forme analogue, non spatiale. 3° Comme les deux objets de comparaison sont des systèmes quantitatifs, à trois dimensions, continus et susceptibles d’une certaine mesure, on exclut ainsi la possibilité d’une différence et l’on admet une preuve logique de la spatialité de la relation transcendante des monades. Nous sommes donc ramenés au réalisme transcendantal.

Il ne nous reste plus à examiner que le réalisme transcendantal. Quelles sont ses prétentions ? Le réalisme transcendantal nous offre une théorie de la connaissance dualiste, et c’est un gage de supériorité sur les autres systèmes, car tout monisme est abstrait, vide et mort, s’il ne renferme pas un dualisme caché. Du reste dans la théorie de la connaissance, nous avons affaire à l’opposition du sujet et de l’objet, de l’idéal et du réel. Le réalisme transcendantal sépare l’expérience pure de ses additions intellectuelles, mais il voit même dans l’expérience pure une indication sur les propriétés des choses en soi. Il reconnaît un monde unique, réel et transcendant de choses en soi, et, à côté lui correspondant, de nombreux modes phénoménaux, subjectifs et idéaux, dont le contenu et le changement sont toujours déterminés par l’influx physique d’un monde réel transcendant sur tout sujet conscient. Pour lui tout objet de perception est un objet transcendant d’une réalité transcendantale, mais cette relation transcendantale de l’objet avec une chose en soi transcendante et réelle n’est pas une misérable duperie de nos tendances intellectuelles, c’est une fonction intellectuelle instinctive de !a vérité la plus profonde. Le réalisme transcendantal affirme que je perçois seulement le produit de l’activité de mon âme et jamais la causalité transcendante ; mais il soutient aussi que je suis logiquement obligé de penser une cause transcendante et de comprendre cette cause transcendante comme une chose en soi, à laquelle je rapporte dans l’ordre transcendantal l’objet en perception.

Le réalisme transcendantal seul s’accorde avec la conception du