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ne nous donne pas le moyen de tracer des parallèles, ni chose plus curieuse encore — celui de les reconnaître.

Si, désireux d’acquérir la notion du parallélisme, je trace une multitude de droites qui ne se rencontrent pas dans les limites de mon tableau, comment distinguerai-je celles qui ne se rencontreront pas si loin qu’on les prolonge ? La vérification est au-dessus de tout pouvoir.

Cette définition contient pourtant — la suite des théorèmes le prouve — une marque distinctive et exclusive du parallélisme, à laquelle, pour être mise en évidence, il suffit de l’intermédiaire d’une proposition ainsi conçue que, par un point, on peut toujours mener une parallèle à une droite et l’on n’en peut mener qu’une. C’est même là la vraie forme du postulatum ou théorème complément naturel et indispensable de la définition.

Mais ce complément ne la rendrait quand même pas génétique ; et c’est justement ce que fait d’une façon détournée le postulatum d’Euclide.

En effet, du moment que deux droites inégalement obliques sur une même troisième se rencontrent nécessairement, il suffit de leur donner la même obliquité pour qu’elles ne se rencontrent pas, en admettant bien entendu qu’il existe des parallèles. Car cette existence une fois admise, ces droites-là seules sont parallèles qui font avec une même sécante des angles internes du même côté égaux à deux droits[1].

Je dis que cette définition est génétique. En effet, étant donnés une droite AB et un point C par lequel il nous faut mener une parallèle à AB, je trace une sécante quelconque CE, et je mène CD de manière que l’angle DCE soit le supplément de l’angle CEB.

[image]

Pourquoi maintenant n’adopte-t-on pas cette dernière définition ? parce qu’elle exige un autre postulatum. En effet, si au lieu de CE j’avais mené la sécante CF, et fait l’angle DCF supplément de l’angle CFB, aurais-je tracé la même parallèle ? Pour qu’il en soit ainsi, il faut, comme les deux sommes DCE + CEB et DCF + CFB sont égales, que l’angle CEB (extérieur au triangle CFE) soit égal à la somme des angles ECF + CFE (les deux intérieurs opposés). Or

  1. C’est la définition que proposait Legendre.