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voit que la notion d’angle est singulièrement élargie. Aussi, pour la préciser, lui est-il nécessaire de passer tout de suite aux infiniment petits, c’est-à-dire, au fond, de définir l’angle de deux courbes qui se coupent comme étant l’angle des deux tangentes au point d’intersection. C’est en effet ce que M. Calinon établit dès la page suivante.

N’est-on pas en droit de préférer tous les postulats de la géométrie euclidienne aux postulats du calcul différentiel ?

Mais il reste encore d’autres difficultés. Deux portions de droites sur un plan, qu’elles aient ou n’aient pas un point commun, font un angle que l’on obtient en les prolongeant suffisamment. Les choses se passent-elles de même avec deux arcs de grand cercle sur une sphère ? Nullement, et l’angle de deux arcs ne peut s’entendre que de l’angle qu’ils font à leur point d’intersection, cet angle étant celui de leurs tangentes en ce point. C’est ainsi d’ailleurs qu’on le définit. Au fond donc l’angle des deux arcs est l’angle de leurs plans — l’angle dièdre — et l’angle des tangentes n’est autre que l’angle qui mesure l’angle dièdre et formé par deux perpendiculaires à l’arête. Or pour établir la constance de cette mesure, quel que soit le point choisi de l’arête, on doit s’appuyer sur le postulatum d’Euclide (Legendre, V, prop. 17).

Concluons donc que le postulatum d’Euclide est dissimulé dans la définition de l’angle, et ainsi tombe le dernier avantage que l’on attribuait à la géométrie sphérique[1].

Un dernier mot. Dans sa proposition 6, M. Calinon établit qu’il y a deux espèces de surfaces identiques à elles-mêmes, celles où les géodésiques se coupent en deux points, et celles où elles se coupent en un point, et il ne poursuit que la géométrie des premières.

Ses démonstrations sont le plus souvent écourtées ; il renvoie pour les développements à la géométrie plane, dont, dit-il, la géométrie sphérique ne diffère pas. Il laisse ainsi au lecteur le soin de se démontrer à lui-même l’égalité des angles droits, des angles opposés par le sommet, la somme constante des angles adjacents. Je veux bien croire, mais je me défie. Que M. Calinon me pardonne cette parole presque irrévérencieuse ; mais c’est que M. Lechalas, son disciple, a procédé autrement et que je n’ai pas été persuadé, comme on va le voir.


VII


M. Lechalas a donc fait autrement, et il faut bien lui en savoir gré. Lui ne s’est pas borné aux surfaces sphériques ; les quelques

  1. Voir l’Étude précitée de M. Calinon, p. 1.