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la surface décrite par les deux branches est unique, et qu’il n’y a ni intersection ni emboîtement. Ne perdons pas de vue que l’intuition ne nous donne pas l’idée générale de la surface identique à elle-même dont les géodésiques sont infinies, et que rien ne nous certifie que les deux moitiés d’une même géodésique peuvent se recouvrir. Aussi M. Lechalas croit devoir aller au-devant de l’objection. Est-il admissible que, dans une géométrie, l’auteur donne des démonstrations auxquelles il prévoit que le lecteur fera naturellement des objections ? Il y répond sans doute ; mais y répond-il d’une manière persuasive ? Je ne doute pas que, contraint, il y parviendrait mais la démonstration serait par là encore allongée.

M. Lechalas avance encore que la rotation est continue et sans retour. Il y a pourtant de ces surfaces continues, même rectilignes, qui ne pourraient se décrire d’un mouvement continu et sans retour au moyen d’une demi-droite. Tel serait un cône hélicoïdal, c’est-à-dire dont la directrice serait une hélice indéfinie. Une pareille surface ne pourrait s’engendrer que par deux mouvements indéfinis en sens contraires. Si le pas de l’hélice est infiniment petit, auquel cas elle se confond avec une circonférence, on obtient un cône ordinaire, mais dont la surface est censée composée d’une infinité de surfaces qui se recouvrent et se confondent. Enfin si le sommet du cône est dans le plan de la circonférence (hélicoïdale), la surface engendrée est un plan, mais un plan qui lui-même se compose d’une infinité de plans superposés. Au lieu d’un cône hélicoïdal, j’aurais pu prendre un cône ou un cylindre spiral, c’est-à-dire dont la directrice serait une spirale indéfinie. Il faut donc faire appel à l’intuition, il faut se représenter la pseudosphère d’une certaine façon — plus ou moins exacte — pour juger de la valeur de la démonstration.

Enfin, il vient d’être rappelé que la pseudosphère est une surface limitée ressemblant à un verre à champagne qui s’évaserait vers le haut et dont le fond se perdrait dans l’infini. Cette surface ne se prolonge au delà de son bord que par un artifice de géométrie. Cet artifice, il faut le connaître pour se figurer cette surface infinie dans tous les sens. Pour l’intuition seule, elle s’arrête brusquement. Par conséquent la géodésique passant par un point donné de la pseudosphère est divisée généralement par ce point en deux demi-géodésiques, l’une finie, l’autre infinie. Si l’on fait tourner la demi-géodésique finie, on n’engendre la surface qu’à condition qu’on l’allonge quand il le faut et comme il le faut jusqu’à la rendre infinie.

Voilà un assez bon nombre de critiques que suggère le premier théorème. Le second théorème porte que « une géodésique indéfinie partage la surface en deux régions présentant un caractère dis-