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Sulla paramneria, o falsa memoria. Nota del prof. Tito Vignoli. (Rendiconti del R. Istituto Lombaro, 1894.)

Il est peu de phénomènes psychologiques qui aient autant dévoyé les esprits depuis quelques mois que la paramnésie, ou fausse mémoire. On sait en quoi consiste ce phénomène. À l’aspect d’un paysage, d’un monument, d’un tableau, d’un objet quelconque que l’on voit pour la première fois, on se rappelle tout à coup l’avoir déjà vu, et dans des conditions tout à fait identiques, comme si l’on revivait un instant d’une existence évanouie. D’autres fois, on a la conviction d’avoir déjà entendu, dans les mêmes termes, des mêmes personnes, ce qu’on entend ; d’avance on devine ce qui va être dit, et dans certains cas la prévision est justifiée. Ce qui constitue l’illusion de la paramnésie, c’est qu’on n’a point conscience d’une analogie plus ou moins éloignée entre un événement passé et le moment présent : on croit à une identité absolue.

Au lieu d’appliquer à ce processus les méthodes ordinaires de la science, on a comme à plaisir épaissi les ombres qui le couvraient, afin qu’il eût tout l’attrait d’un mystère. Car ce mot mystique a reparu dans les écrits de quelques jeunes psychologues qui croient ce vocable synonyme d’obscur ou d’inconnu. À tout prix il leur faut du mystère, de l’occulte, de l’au-delà.

On a donc prononcé sérieusement les grands mots d’intuition télépathique, de dédoublement de la personnalité, de don prophétique de l’imagination. « Ces trois hypothèses ont le tort d’expliquer un fait obscur par un fait plus obscur », dit très bien M. Paul Lapie, auteur de la dernière Note parue, à ma connaissance, sur la paramnésie[1], et qui définit ces illusions des « hallucinations vraies », ou plutôt des « illusions qui deviennent vraies », quand certaines constructions latentes de l’imagination, comme dans le rêve, se rencontrent avec la réalité et coïncident avec elle.

M. Tito Vignoli, qui a si bien mérité de la psychologie expérimentale par ses grands travaux originaux, bien connus en Europe, a repris l’étude de la paramnésie avec l’esprit scientifique qu’y aurait apporté un psychologue de l’école de Cabanis, de Claude Bernard ou de Littré. Il se trouvait dans des conditions d’observation particulièrement favorables, ayant connu souvent lui-même, par des expériences répétées, chez lui et chez des membres de sa famille, le phénomène de la paramnésie. Ce phénomène est d’ailleurs loin d’être rare ; il s’observe même très communément, sans distinction de sexe, en santé comme en maladie, quoique plus fréquemment dans la jeunesse.

Il en sera certainement, à mon humble avis, de ces phénomènes, comme de celui de l’audition colorée, ou mieux des synesthésies, qui passa d’abord pour aussi rare qu’extraordinaire, et qui, après enquête, s’est trouvé des plus répandus.

  1. Revue philosophique, mars 1894.