dénuée de stimulants, il n’a — en dehors de la vie familiale dont l’influence est, nous le verrons plus loin, capitale — d’autre occupation que la politique locale et le café, la culture de quelques rosiers et la médisance. Les femmes y ajoutent quelquefois la dévotion, une dévotion de petites pratiques dont le sentiment religieux est le plus souvent absent. Dans ce milieu déprimant l’affectivité s’éteint, la vie se stéréotype et le peu d’intérêt comme le peu d’activité qui persistent se concentrent sur le seul point qui garde pour la conservation de l’individu une importance de premier ordre l’administration de la fortune et le souci de l’épargne. Mais, primant toutes les autres tendances, s’imposant avec plus de force à mesure que les instincts antagonistes s’affaiblissent, l’épargne cesse d’être un moyen et devient un but. Un facteur puissant d’avarice est créé.
L’examen des faits confirme ces considérations théoriques. Sur 28 malades dont j’ai réuni les observations, 13 appartenaient à la moyenne et à la petite bourgeoisie ; 6 étaient des paysans, paysans propriétaires ; 4 de petits employés de commerce ; et enfin 2 appartenaient à des classes très particulières : l’une était une artiste lyrique et l’autre une prostituée professionnelle[1]. Il n’y a pas un seul ouvrier d’industrie et la classe riche n’est représentée que par deux éléments : une mère et sa fille. La mère possédait, en communauté avec son mari, à l’âge où l’avarice a débuté, une fortune d’un peu plus d’un million. La fortune de la fille, du fait de son mariage, s’élevait à un chiffre à peu près égal.
Après le facteur social, le facteur ethnique. Là encore la meilleure méthode me paraît être d’opposer deux extrêmes : les États-Unis où l’avarice est exceptionnelle et la France où l’avarice est très répandue.
Il ne s’agit nullement de savoir si, dans son ensemble, prise en bloc, la moralité américaine est supérieure à la moralité des pays du vieux monde, de la France en particulier. Ce jugement de valeur est en dehors du sujet. Il suffit de constater que dans la liste plus ou moins longue d’anomalies intellectuelles et morales qui
- ↑ J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur ces deux cas.
