Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/131

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viendrons là-dessus lorsque nous examinerons les principes qui règlent les profits.

Il paraîtrait donc que la cause qui fait hausser les rentes est aussi celle qui fait hausser les salaires, l’une et l’autre tenant à la difficulté croissante d’obtenir une plus grande quantité de subsistances moyennant la même quantité proportionnelle de travail. Par conséquent si l’argent avait une valeur invariable, les rentes ainsi que les salaires tendraient toujours à la hausse dans un état d’accroissement progressif de la richesse et de la population.

Mais entre la hausse de la rente et celle des salaires il y a une différence essentielle. La hausse des rentes estimées en argent est accompagnée d’une part plus considérable des produits. Non-seulement le propriétaire foncier reçoit plus d’argent de son fermier, mais il en reçoit aussi plus de blé ; il aura plus de blé, et chaque mesure de cette denrée s’échangera contre une plus grande quantité de toutes les autres marchandises qui n’ont pas haussé de valeur. Le sort de l’ouvrier sera moins heureux ; il recevra, à la vérité, plus d’argent pour son salaire, mais ces salaires vaudront moins de blé ; et non-seulement il en aura moins à sa disposition, mais sa condition empirera sous tous

    des résultats la décourageante hypothèse de Ricardo ? À quoi servirait donc de découvrir des Amériques et des Océanies, si ce n’était pour y aller chercher les ressources qui nous manquent, la place que demandent nos cités encombrées ? Avec le système de l’affranchissement commercial, les civilisations sont constamment jeunes, constamment vigoureuses. Lorsqu’un sol a été épuisé, on va chercher ailleurs une sève nouvelle, et la société se trouve ainsi constamment maintenue dans cette période active, où la somme de travail dépasse la somme de bras et se joint au bas prix des subsistances pour améliorer le sort de l’ouvrier. Plus un arbre est élevé, plus il faut à ses racines de l’espace pour se nourrir : il en est de même des nations, et s’il est encore ici-bas tant de souffrances et tant de crises, il faut encore en chercher la cause aussi bien dans l’isolement absurde des centres de production, que dans les vestiges d’aristocratie ou de privilèges politiques qui déshonorent les constitutions européennes. Sans doute la question de population, l’excès des travailleurs se dresseront toujours à nos yeux comme une menace lointaine : mais que de mines fécondes encore à exploiter, que de plaines à fertiliser, de fleuves à traverser, de richesses à puiser de toutes parts ! Nous ne sommes qu’au début de la production, de l’industrie, de l’agriculture, et, sans prendre la liberté du commerce pour une panacée infaillible, il est permis de dire que tout irait mieux, du jour où on laisserait la concurrence des capitalistes et des propriétaires s’organiser en présence de celle des ouvriers. Ricardo a raisonné dans l’hypothèse d’un déplorable statu quo : nous raisonnons dans l’hypothèse d’un affranchissement qui déjà commence. Il a désespéré, et tout nous conduit au contraire à espérer dans l’avenir. A. F