Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/24

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a aussi une espece de roseaux (les Portugais l’appellent Bambu) presque aussi durs que le fer, & iceux rods s’empoignent à peine des deux mains, s’ilz sont des plus grands ; & encor qu’ilz soyent creux & distincts de leurs nœudz, neantmoins pour leur fermeté ilz sont souvent designez pour servir de posteaux aux maisons moyennes. On fait aussi des bois de lances des plus petits, & s’employent en plusieurs autres usages qu’il seroit long de reciter. Ces roseaux ne se plantent qu’aux provinces du Midy, mais l’abondance en est si grande, qu’ilz suffisent à tout le Royaume, & à peine se trouve autre bois qui s’achete à si vil prix.

Ce Royaume fournit pour le feu non seulement du bois, des cannes & du chaume, mais il y a une sorte de beaume, tel que celui qu’on tire au Pays bas, principalement en l’Evesché de Liège (ilz l’appellent Mui) qui est fort commodement employé à tous telz usages, & dont la fumée n’est nullement fascheuse ; toutefois il est en plus grande abondance, & meilleur aux provinces Septentrionales, la nature aydant à la necessité. Il se retire des entrailles de la terre, qui espandus d'une longue traicte en fournissent continuellement, & par la modération du prix en monstrent l’abondance, & distribuent au plus pauvre de quoy brusler tant en la cuisine, qu’au poisle.

Il nourrit des herbes medicinales, que les autres provinces ne cognoissent qu’apportées d’ailleurs, pnncipalement le Rheubarbe & le Musc, que les Sarazins de l’Occident apportent en toute l’Asie, & puis en l’Europe avec un gain incroyable, veu qu’ilz se retirent d’icy a tres vil prix. Car vous vendrez la livre du Rheubarbe, achetée dix deniers, six ou sept escus en Europe. Icy aussi croist le fameux remède de plusieurs maladies ; les Portugais l’appellent Bou de Chine, les autres Bousainct pour la ressemblance en la medecine de celuy qu’on apporte des Terres neufves. Et croist de sorte, que sans estre cultivé d’aucun, on l’arrache sans qu’il couste rien que la peine, & s’emporte de là avec proufit & gain incroyable.

Ilz font du sel non seulement ez provinces maritimes, mais aussi en terre ferme vous trouverez des eaux, desquelles sans travail aucun il se condense. Parquoy il abonde par tout : & neantmoins d’autant que le sel sert quasi en tous usages de l’homme, il se fait que du trafic du sel un grand tribut est rapporte dans les thresors du Roy, sans ce que les marchans qui manient le débit du sel, avant toute choses s’enrichissent. Les Chinois se servent plus de succre que miel, encor que l’un & l’autre abonde esgalement. Il y a aussi de la cire, non seulement celle que font les abeilles, mais d’autre aussi, qui est non seulement plus blanche, mais encor meilleure. Car elle est moins gluante,