Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/41

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a esté l'an 1609. & reviendra l’an 1612. suyvant) peu de jours devant la huictiesme Lune, qui eschet souvent au mois de Septembre, les Magistrats de Pequin offrent au Roy en un livret cent Philosophes des plus choisis de tout le Royaume, à fin que d'iceux il en nomme trente, sçavoir deux pour chasque Province, qui president à ceste election de Licentiez. Or il faut que l'un d'iceux soit du Collège Royal qu’ilz appellent Hanlinyuen duquel les Officiers sont estimez les plus renommez du Royaume.

Or le Roy ne les nomme jamais, qu’au mesme temps qu’ilz pourront, avec la plus grande diligence qui se peut, arriver en la Province designée : commettant aussi plusieurs gardes, à fin d'empescher que pour quelque cause que ce soit, ilz ne parlent à personne de la Province, devant que les Licentiez soient denommez. Le Magistrat aussi appelle des Philosophes les plus fameux de la mesme Province, par lesquelz ces deux Examinateurs Royaux sont fidellement aydez & assistez en cet examen, & première espreuve d'escriture.

Or en chasque ville Metropolitaine se void un grand palais edifié seulement pour cet examen, ceint de tres-hautes murailles. En icelui il y a plusieurs chambrettes separées de tout bruit, dans lesquelles se retirent ces examinateurs que j’ay dit, pendant qu’ilz examinent les escritures. Outre cela, il y a plus de quatre mille cellules au milieu du palais, qui ne peuvent rien contenir qu'une petite table, un escabeau, & un homme. De ces cellules aucun ne peut parler avec son voisin, ny mesme voir personne.

Si tost que les examinateurs Royaux des villes susnommez, sont arrivez en la principale ville, ilz sont enfermez en ce palais chacun en sa chambrette avant qu’ilz puissent parler avec personne. Mesme il ne leur est pas permis de deviser ensemble pendant tout le temps qu’on travaille à l'espreuve des escris, voire aussi pendant ce temps jour & nuict il y a des gardes de nombre de soldatz & Magistratz, qui espient & empeschent tout, pour parler entre ceux qui demeurent dans le palais, & ceux de dehors.

Or on ordonne trois jours pour cet examen, & les mesmes par tout le Royaume, sçavoir le 9, 12, & 15. de la huictiesme Lune. Et depuis le poinct du jour jusqu’à la nuict, le temps est employé à escrire, les portes estans curieusement fermées, & l'on donne aux escrivains un leger repas, apresté dez le jour precedent aux despens du public. Quand les Bacheliers sont admis dans le palais, on prend tres-soigneusement garde s'ilz portent quelque livre ou escrit avec eux, ou non. On leur permet seulement de porter quelques pinceaux, desquelz ilz se servent pour