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com-bourgeois on a esgard à l’aage. En l’une & l’autre cour la dignité va devant. Les estrangers principalement, qui viennent des lieux plus esloignez, tiennent le premier rang. D’où provient que quasi en toute assemblée pour cete raison on cede le haut bout aux nostres. Et ne nous sert de rien de contester, ou debatre, ou refuser modestement contre la coustume receue.

Apres que tous sont assis, soudain un des serviteurs domestiques, & le plus leste, vestu d’une sotane, tenant une belle table ez mains, sur laquelle y a autant d escuelles, que d’hostes, & en icelles est la potion Cia ; de laquelle avons parlé cy dessus, en presente aux hostes, y meslant tousjours un morceau de dessert, pour lequel prendre on adjouste une petite cuilliere d’argent. Le serviteur commençant au plus honorable, presente à chascun son escuelle, jusqu’au maistre que les autres visitent ; car iceluy s’assied tousjours au plus bas lieu. S’ilz sont long temps assis ensemble, le serviteur revient de mesme façon pour la seconde & troisiesme fois, ou plus ; mais ce morceau de dessert est changé toutes les fois qu’on recommence à boire.

Les hostes ayant achevé leur devis, devant que sortir de la sale, reiterent selon leur coustume (comme au commencement) les reverences pres de la porte. Alors le maistre les suit jusqu’à la porte de la maison, où encor ilz s’enclinent ; alors le maistre prie les hostes qu’il leur plaise monter ou à cheval, ou en lictiere, comme ilz sont venus ce qu’ilz refusent de faire, & prient le maistre de la maison de vouloir r’entrer ; alors icelui retournant à l’entrée, fait encor la reverence. Et les hostes luy rendent les mesmes complimens & honneurs. Finalement estan rentré dans la porte il s’encline pour la troisiesme fois, & les hostes luy font le semblable avec mesme cérémonie, alors le maistre se desrobant de la veue des hostes à l’entrée de la maison, il leur donne le loisir de monter à cheval, ou entrer en lictiere ; & sortant soudainement les salue en s’en allant, criant Zin, & eslevant & abaissant ses deux mains dans sa robe. Ce que font semblablement de poinct en poinct les hostes, & puis s’en vont. Finalement le maistre de la maison envoie un de ses serviteurs pour suivre & atteindre ceux qui s’en vont, & les saluer en son nom ; de mesme font les hostes, & le resaluent par leurs valetz.

Maintenant je traicteray des festins des Chinois, ausquelz ilz sont non moins officieux que frequentz, & quelques uns aussi journaliers. Car ilz traictent quasi tous leurs affaires en banquetant, non seulement ceux qui touchent à l’estat de la vie humaine, mais encor ceux qui regardent la religion ; & ilz mettent les banquetz entre les principaux tesmoignages de la bien-vueillance, lesquels parmi eux ne s’appellent pas banquetz,