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Diverses sectes de fausse Religion entre les Chinois.


CHAPITRE X.


DE toutes les sectes des Ethniques, dont au moins nostre Europe a eu cognoissance, je n’en ay jusqu’à present leu aucune qui soit tombé en moins d’erreurs, qu’on lit le peuple de la Chine estre tombé ez premiers siecles de son antiquité. Car je lis en leurs livres que les Chinois dez le commencement ont adoré une supreme & seule deité, qu’ilz appelloient Roy du Ciel, ou d’un autre nom Ciel & Terre ; d’où il paroist que les Chinois ont creu que le Ciel & la terre estoient animez, & qu’ilz ont adoré leurs ames pour supreme deité. Au dessouz de cete deité ilz adoroient aussi divers esprits tutelaires des montaignes, fleuves, & quatre parties du monde. Ilz disoient qu’en toutes actions il falloit escouter ce que la raison dictoit, laquelle lumiere de raison ilz confessoient avoir receuë du ciel. Or nous ne lisons nulle part que les Chinois aient publié ces monstres de vices de ceste supreme deité & des espris ministres d’icelle, que noz Romains, Grecz, & Egyptiens, (cerchans aux dieux la defense des vices) ont divulguez. D’où l’on peut, non sans cause, esperer que par la bonté infinie de Dieu plusieurs de ces anciens Chinois ont esté sauvez en la Loy de nature, estans aydez particulierement de ce secours, que Dieu n’a accoustumé refuser à aucun qui fait (comme disent noz Théologiens) tout ce qui luy est possible. Et on peut voir clairement cela par leurs Annales depuis quatre mille ans & plus, ou ont lit plusieurs choses par iceux vertueusement faites au proufit de la patrie, & du bien public. Le mesme se peut voir par des livres des anciens Philosophes pleins de tres-grande doctrine, qui durent jusqu’au jourd’huy ; par lesquelz ilz enseignent aux hommes le chemin de la vertu par des préceptes tres-salutaires ; en quoy ilz ne semblent ceder à noz plus fameux Philosophes.

Mais d’autant que la nature corrompue, sans le secours de la grâce, se porte tousjours de mal en pis : en apres avec le cours des siecles ceste première lumiere a tellement esté obscurcie, que si d’aventure quelques-uns s’abstiennent du cult des faux dieux, il y en a peu de ceux-là qui d’une cheute plus grande ne tombent en l’Atheisme. Or en ce chapitre je poursuivray trois sectes de tous les Ethniques d’entre les