Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/463

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se peint ? Combien d’agrémens négligés ! est-ce là ce souris fin et tendre, cet air de bonté, de grandeur ? Où sont tant de grâces dont j’aperçois à peine une faible esquisse » ? En parlant, Ernestine repoussoit tous les dessins qui étoient sur sa table, cherchoit ses crayons ; et, remplie de l’idée du Marquis, elle se flattoit d’en tracer de mémoire une image plus exacte.

Ce travail intéressant fut interrompu peu de jours après, par la mort du pauvre Duménil. Ernestine, tendrement attachée à cet homme, le regretta sincèrement. Sa veuve, pressée d’abandonner un lieu propre à exciter la tristesse, sentiment qu’elle craignoit, se hâta de charger un de ses parens du soin de ses affaires, et dès que la bienséance le lui permit, elle se rendit avec Ernestine à trois lieues de Paris, dans une maison charmante. Plusieurs valets, prévenus de leur arrivée, se présentèrent pour les recevoir, et s’empressèrent à les servir.

Ernestine pleuroit encore ; elle se rappeloit sans cesse la douceur et l’amitié que son maître lui avoit toujours montrées ; cependant l’aspect riant et magnifique de ce beau séjour suspendit son chagrin : les appartemens, les jardins, la vue, l’émail et le parfum des fleurs ; tout surprit ses sens, tout charma ses regards : « Eh ! qui vous a donc prêté cette agréable demeure, dit-elle à son amie ? Ceux qui l’habitent doivent se trouver bien heureux » !

Si la liberté d’y vivre vous paraît un bonheur, répondit madame Duménil, jouissez-en, ma chère amie, et ne craignez pas de le perdre : je dispose