Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/466

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les prés, le chant des oiseaux, les productions variées de la terre, offroient à son esprit paisible, ou des objets de plaisirs, ou le sujet d’une tendre rêverie. Son penchant pour M. de Clémengis animoit son cœur sans le troubler ; lui faisoit goûter une partie des douceurs que donne le sentiment, sans y mêler l’agitation violente qui s’élève des passions : elle souhaitoit de revoir le Marquis ; mais une impatiente ardeur ne rendoit pas ce désir un mouvement pénible. Dans cette position tranquille, qui pouvoit engager Ernestine à porter ses vues au-delà des apparences ? Une situation heureuse ne conduit point à réfléchir ; pourquoi voudroit-on approfondir la cause du bonheur dont on jouit ? Le bien-être nous paroît un état naturel ; son interruption nous trouble, nous agite ; le malheur nous instruit, étend nos idées, rend notre ame inquiète et notre esprit actif, parce que la douleur nous fait chercher en nous-mêmes des forces pour la supporter, ou des ressources pour nous en affranchir.

Dès l’ouverture de la campagne, les préliminaires de la paix étoient avancés, les armées n’avoient ordre que de s’observer ; vers le milieu de l’été elles reçurent celui de se séparer, et nos troupes repassèrent les monts. Le marquis de Clémengis, resté malade à Turin, n’arriva à Paris qu’au commencement de l’automne. Après s’être acquitté de ses devoirs les plus pressans, il céda au désir de revoir l’objet de sa tendresse, et partit pour la riante habitation que sa générosité avoit rendu le domaine d’Ernestine.

Elle était seule quand on lui annonça le Marquis ;