Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/470

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femme si peu raisonnable. Il falloit, ou la contenter, ou la séparer d’Ernestine. De nouvelles libéralités et beaucoup de condescendance appaisèrent madame Duménil : elle revint à Paris, et conduisit Ernestine au faubourg Saint-Germain, dans une maison peu spacieuse, mais fort ornée. Deux jours après leur arrivée, elle lui porta à sa toilette plusieurs bijoux à son usage, et un écrin rempli de pierreries.

Ce présent toucha Ernestine comme une nouvelle preuve de l’attentive amitié de madame Duménil ; mais sa magnificence ne l’éblouit point : elle commençoit à s’accoutumer à la richesse, à l’éclat ; et comme elle ne souhaitoit pas d’exciter l’envie, elle étoit bien éloignée de mettre à la possession de ces brillantes bagatelles, le prix que le commun des femmes y attachent.

Madame Duménil la pressa de s’en parer ; et se rappelant que le Marquis étoit à Versailles, elle se hâta de profiter de son absence pour mener Ernestine à l’opéra. Son projet étoit de lui inspirer le goût des plaisirs qu’elle-même préféroit, et de contraindre M. de Clémengis à lui laisser la liberté d’en jouir.

La nouveauté des objets attira toute l’attention d’Ernestine ; elle ne s’aperçut point qu’elle fixoit les regards d’une foule de spectateurs, charmés de la voir et surpris de ne pas la connoître. Une riche parure, peu de rouge, beaucoup de modestie ; la figure décente de madame Duménil, l’air noble de sa jeune compagne, les firent passer pour des femmes nouvellement arrivées de province. Tous les yeux s’attachèrent sur Ernestine. En sortant de sa loge, elle se