Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/476

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« Non, dit Ernestine ; que me reprochez-vous ? qu’ai-je fait, en quoi nos sentimens diffèrent-ils ? ma conduite vous paroît-elle blâmable ? — Cette question m’étonne, reprit mademoiselle. Duménil » : Et la regardant fixement « Osez-vous m’interroger avec cet air paisible sur un sujet si révoltant, lui dit-elle ? En vous écartant de vos devoirs, avez-vous perdu le souvenir des obligations qu’ils vous imposoient ? ne vous en reste-t-il aucune idée ? Vous rougissez, ajouta-t-elle, vous baissez les yeux : la pudeur brille encore sur le front noble et modeste d’Ernestine ; ah ! comment a-t-elle pu la bannir de son cœur » ?

« Je rougis de vos expressions, et non pas de mes fautes, dit Ernestine ; exacte à remplir les devoirs qu’on m’apprit à suivre, je ne me reproche rien : cependant vous m’accusez. Je me suis écartée de ces devoirs, j’en ai perdu l’idée ? qui vous l’a dit, sur quoi le jugez-vous » ?

« Je ne vous aurois jamais soupçonnée de cette surprenante assurance, dit Henriette : mais cessons cet entretien ; ne me forcez point à m’expliquer sur les sentimens qu’il peut m’inspirer. Ah ! Mademoiselle, vous avez fait à la richesse un sacrifice bien volontaire, bien entier, s’il ne vous reste pas même assez de décence pour rougir de l’état méprisable que vous avez choisi ».

« Eh, mon Dieu ! s’écria Ernestine toute en pleurs, est-ce une amie, est-ce Henriette, qui me traite avec tant de dureté ? Un état méprisable ! j’ai choisi cet état ! j’ai renoncé à la décence ! je l’ai sacrifiée à la richesse ! moi, comment ? en quel temps ? en quelle occasion ? Quoi ! Mademoiselle, vous osez m’insulter