Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/481

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le verrai, je lui parlerai ; je souhaite que son amitié soit innocente et désintéressée : mais en le supposant, comment excuser l’imprudence de sa conduite ? En vous engageant à vivre dans une terre dont il venoit de faire l’acquisition, ne vous a-t-il pas exposée à paroître dépendante de lui ? En vous dérobant à tous les regards, ne laissoit-il pas croire que vous existiez pour lui seul ? Il vous cachoit ses bienfaits ; mais pouvoit-il les cacher aux autres ? Madame Duménil est-elle inconnue ? ignore-t-on ses facultés ? Ses anciennes amies, surprises de ne plus la voir, ont voulu pénétrer le mystère de sa retraite, elles l’ont découvert, elles ont parlé. Depuis le retour du Marquis, quelles idées se seront élevées dans l’esprit de vos valets, des siens ? idées grossières, mais malignes, étendues, et dont la communication est prompte. Moi-même, ne vous ai-je pas crue coupable ! M. de Clémengis est votre ami, dites-vous ? non, Ernestine, non, il ne l’est pas : l’homme qui sacrifie notre réputation à son amusement, à ses plaisirs, est-il donc un ami ? a-t-il donc une affection pure ? Mais vous pleurez, continua-t-elle, vous gémissez, vous ne m’écoutez point. »

« Je ne vous ai que trop entendue, dit Ernestine ; vous venez de détruire la paix de mon âme, tout le bonheur de ma vie ! Ah ! pourquoi dissipez-vous une si flatteuse illusion » ? Et cachant son visage inondé de pleurs, dans le sein de son amie : « Ô ma chère Henriette, pardonnez-moi, lui crioit-elle, pardonnez ma douleur, souffrez qu’elle éclate : je ne puis applaudir à votre raison ; je ne puis être reconnoissante