Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/492

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m’enlever… quoi ? Pas même des souhaits ! ah ! quelle triste lumière les paroles du Marquis ont portée dans mon esprit ! la position d’Ernestine, la mienne, ne nous permettent point d’être heureux, si l’un de nous ne fait à l’autre un trop grand sacrifice ! Elle s’arrêta, soupira, détourna les yeux dans la crainte de rencontrer ceux d’Henriette. « Cher Clémengis ! dit-elle, tu ne feras point un trop grand sacrifice pour rendre Ernestine heureuse ! elle ne l’exige pas ; elle ne désire point un bonheur qui porteroit atteinte à ta gloire : mes yeux sont ouverts, je vois tout ce qui nous sépare : mais comment, mais d’où vient… éprouve-t-on une douleur si vive en renonçant à un espoir qu’on n’avoit pas » ?

Les caresses de mademoiselle Duménil, les visites du Marquis, le temps, la raison, dissipèrent un peu le chagrin d’Ernestine : mais une douce mélancolie devint son humeur habituelle. Après un mois de séjour chez Henriette, elle entra dans le couvent : on lui avoit préparé un appartement commode et agréable, elle y découvrit partout les soins de son amant : une petite bibliothèque composée de livres choisis par le Marquis, lui offrit un amusement utile, et la facilité d’acquérir des connoissances. Elle continua de prendre des leçons de musique, s’occupa de la lecture, et ne négligea point un talent devenu précieux pour elle, par le plaisir qu’il lui donnoit de multiplier l’image de M. de Clémengis ; des traits si chéris, se trouvoient retracés dans tous les sujets qui se présentoient à son imagination, et son cabinet se remplissoit des portraits de son amant.

Mademoiselle Duménil la visitoit souvent ; le Mar-