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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/15

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d’Halifax. La Proclamation qui leur avait été adressée laissait supposer qu’il y avait eu intervention de la part du gouvernement anglais, et cela était de nature à leur inspirer confiance. Mais que signifiait, d’autre part, ce déploiement de troupes, ce camp retranché, cette occupation à main armée de leur église et de leur presbytère ? Il n’y avait pas à s’y tromper : l’intervention supposée n’avait pas dû se produire ; autrement, ce déploiement militaire eût été inexplicable. L’occupation ouverte de leur église voulait dire clairement que leurs prêtres ne leur seraient pas rendus ; et alors, même si l’on permettait aux Acadiens de continuer à séjourner dans la Province, pourraient-ils le faire ? Partir, ils y étaient résolus ; et toutefois, l’idée de quitter ces lieux chéris, cette patrie aimée, leurs biens, leurs troupeaux, pour aller recommencer ailleurs un labeur déjà séculaire, avait mis sur leur âme une empreinte de tristesse, faite de regrets du passé et de soucis au sujet de l’avenir. La joie s’était envolée, les foyers étaient mornes et silencieux. La convocation annoncée ne pouvait avoir trait qu’à la question de leur départ. Au moins, pensaient-ils, le gouvernement leur donnerait le temps et les facilités nécessaires pour se transporter dans les possessions françaises ; et peut-être que, touché de tant d’infortune, il leur accorderait la faveur de leur laisser emporter leurs effets, ainsi que la moisson qu’ils venaient de récolter. Mais quelle grâce pouvaient-ils attendre s’ils étaient laissés à la seule merci de Lawrence ? Cet homme ne connaissait pas la pitié ! Non ! à moins d’une intervention de la Métropole, cette convocation ne pouvait être que le présage d’un plus grand malheur. Cependant, estimaient-ils, l’obéissance aux ordres était encore ce qu’il y avait de mieux à faire.