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croître les libertés communes ; en France, tout ce qu’il y avait de noblesse se précipitait vers la Cour, attiré par l’appât des faveurs et des plaisirs. Ce fait peut paraître insignifiant : en réalité, il fut l’origine du mouvement qui devait aboutir à la perte des libertés françaises. Ces hommes en quête de distinctions et d’honneurs, avides de jouissances, se firent plats courtisans pour les obtenir et restèrent silencieux devant les empiètements du roi. Privé de ses défenseurs, le peuple ne put résister à l’abolition des privilèges qu’il avait péniblement acquis. C’est ainsi que disparurent l’un après l’autre les conquêtes de la liberté, tant celles de la noblesse que celles du peuple. Quand Louis XIV, entrant botté et éperonné dans son Parlement, put s’écrier sans soulever une protestation : « L’État, c’est moi ! » — tout était consommé[1] La liberté avait vécu. Il ne restait plus que l’éclat précaire du trône et le prestige douteux du passé. La

    le comte Rodolphe Apponyi, qui fut secrétaire de l’ambassade d’Autriche sous la Monarchie de Juillet, décrit dans son Journal, la visite qu’il fit en octobre et novembre 1836, à Chatsworth, pour répondre à une invitation du duc de Devonshire. Et comme dit très bien M. Ernest Daudet, en note de ces pages, « le récit qu’il fait de son séjour chez son richissime amphitryon nous apprend ce qu’était, il y a soixante-quatorze ans, la vie que menait dans ses terres un grand seigneur anglais. » Il y a là une foule de détails qui illustrent la thèse de l’auteur d’Acadie. Nous citerons le passage suivant : « Le duc de Devonshire, lady Granville et lady Carlisle, ses sœurs, toute sa famille enfin, sont affreusement whigs ; avec cela, ils tiennent pourtant à tous les avantages qu’ils doivent à leur naissance, tels que le rang qu’ils occupent dans le monde, leur fortune, leurs titres, etc., ils sont donc whigs non par principe, mais par vanité, pour se faire adorer à la manière anglaise, c’est-à-dire pour être applaudis lorsqu’ils se montrent en public, pour être à la tête du parti qui a la majorité dans leur province, pour qu’un membre de leur famille soit élu membre du Parlement, et quelquefois par faiblesse ou par peur. Sans cela, comment expliquer cette manie de tenir à un parti qui n’a d’autre but que de leur prendre ce à quoi ils tiennent le plus au monde : rang, fortune, pouvoirs ? » — (p. 138.)

  1. L’auteur mêle ici des souvenirs historiques que nous devons remettre à leur place. D’abord Louis XIV n’a très probablement jamais dit la fameuse