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l’économie chrétienne

Mais le christianisme n’a jamais répudié la morale de l’Ancien Testament. Or le décalogue prescrit expressément le respect de la propriété. Dès lors, il importe de chercher quelle a été la doctrine et la pratique des Églises chrétiennes, en ne tenant point compte des sectes éphémères, tels que les taborites et les adamites de Bohême ou les anabaptistes d’Allemagne.

Deux points sont hors de doute. Les Églises chrétiennes, l’Église catholique notamment, n’ont jamais admis que le droit de propriété fit, comme le voulaient les jurisconsultes, un droit absolu ; elles y ont vu un ministère responsable devant Dieu. Le propriétaire, selon la conception chrétienne, est l’économe du bien des pauvres[1] chargé par Dieu d’administrer une portion du patrimoine commun, sous le contrôle effectif de l’Église. En second lieu, l’Église catholique n’a jamais admis l’intérêt de l’argent. A dater de Charlemagne, dès qu’elle eut constitué un pouvoir séculier à son image, le prêt à intérêt fut interdit aux chrétiens sous le nom d’usure, et la peine de l’usure était la confiscation.

Toutefois, ceux qui sur la foi des apparences assimileraient au socialisme la théorie chrétienne de la répartition des richesses commettraient la plus grave des méprises.

La doctrine chrétienne voit dans le travail un châtiment du péché originel, un châtiment dont l’homme ne peut s’exempter ; elle fait de la pauvreté un moyen d’assurer le salut et de la richesse

(1) Jannsen, l’Allemagne à la fin du moyen age, trad. fr., 1. III, ch. III, VII.

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