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Histoire

riez un libre & plein exercice de sa Religion. Mais, si vous croyez votre Femme dans l’erreur, pouvez-vous promettre, vous sentez-vous capable, vous, le Chevalier Grandisson, de ne faire jamais aucun effort pour l’en délivrer ? Vous, à qui la qualité de Mari imposera le devoir de guider sa conscience, de fortifier son esprit, pourriez-vous croire votre Religion vraie, la sienne fausse, & souffrir qu’elle persevere dans l’erreur ? Elle-même, sur le même principe, dont elle croira l’obligation plus rigoureuse encore, pourra-t-elle éviter avec vous les discussions ; & la supériorité de votre jugement ne mettra-t-elle pas sa foi dans un grand danger ? De quel poids les argumens de mon Directeur seront-ils contre les vôtres, fortifiés par votre amour, & par le charme de vos manieres ? Et quelle seroit l’affliction de mes Parens, en apprenant que Clémentine seroit devenue indifférente pour eux, pour sa Patrie, & plus qu’indifférente pour sa Religion ?

Parlez, cher Grandisson, mon Ami, mon Frere, ces grandes considérations seroient-elles sans force à vos yeux ? Non, il est impossible. L’Évêque de Nocera m’a dit (ne lui en faites pas un reproche) qu’en parlant de vos offres, vous aviez déclaré au Général & à lui, que vous n’auriez pas tant fait pour la premiere Princesse du monde. Peut-être la compassion y avoit-elle autant de part que l’amour. Malheureuse Clémentine ! Cepen-