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XIV
la chanson des gueux

si c’est à bon droit qu’on a condamné la pensée même de mon livre, le fond caché sous cette forme.

Au dire de mes détracteurs et de mes juges, je me serais livré sciemment à l’apologie de la crapule, et érigerais en théorie la paresse, l’ivrognerie, la débauche, le proxénétisme, le vol et diverses autres abominations. Quelques esprits subtils, mais illogiques, ont même vu dans la Chanson des Gueux une apothéose du peuple, comme si le peuple avait l’apanage de tous les vices, ou comme si j’étais assez maladroit, voulant lui faire ma cour, pour ne chanter que ses maladies et ses difformités !

La vérité est que j’ai représenté, non pas le peuple, mais les gueux, et que mes vers ne contiennent ni une théorie, ni une apologie de quoi que ce soit, mais des études, des peintures, et surtout des vers.

Naturellement, mon sujet une fois posé, j’ai dû faire penser, parler et agir mes personnages ainsi qu’ils pensent, parlent et agissent en réalité. Que diable ! je ne pouvais cependant pas donner à mes drôlesses des rougeurs de rosières, à mes voyous les manières du grand monde, à un tire-laine les idées de feu M. de Montyon, ni changer en salon parlementaire le zinc des mastroquets, ni mettre dans la