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À ce mérite, d’ailleurs, il y a une excellente raison, sur laquelle on me permettra d’insister : c’est que les poèmes écrits par moi en argot n’ont pas été composés à coup de lexique. Il en faut excepter toutefois les deux sonnets où j’ai tâché d’enchâsser un échantillon de l’argot classique, qui a flori de Cartouche à Vidocq et dont ce dernier a laissé le vocabulaire. Mais, à part ces vingt-huit vers, élaborés à la façon des vers latins qu’on fait au collége, toutes mes chansons du pays de Largonji ont chanté dans ma tête comme des choses vécues, au cours ou au retour de mes visites à ce pays bizarre, et elles sont venues au monde telles quelles, costumées à la mode de leur pays, avec leur défroque originale, sans que j’eusse besoin de les rhabiller au décrochez-moi-ça des dictionnaires. Il n’y a point-là un caprice d’érudit. C’est bien une nécessité qui s’imposait à l’inspiration de l’artiste. Si j’ai rimé des pièces dans cette langue, c’est que je les pensais dans cette langue et que je la parle couramment.

Cela soit dit en témoignage de ma sincérité et pour l’édification des lexicographes.

J. R.