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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/176

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LES BLASPHÈMES

Car c’étaient des martyrs revêtus de résine.
Plus loin on apportait des engins de cuisine,
Et des êtres roussis se roulaient sur un gril ;
Et tantôt de leurs reins, tantôt de leur nombril
Dégouttaient dans le feu de longs filets de graisse,
Et leur peau paraissait une peau de tigresse,
Jaune et dorée avec des bandes de velours.
Les pieds tirés au poids de leurs membres trop lourds,
Des crucifiés nus, longs comme une journée
Sans pain, se balançaient sur la croix retournée,
Et parfois à l’envers faisaient d’horribles bonds ;
Car leur tête pendait au-dessus des charbons,
Sans barbe, sans sourcils, sans cils, sans chevelure ;
Et sur leur front rugueux, gercé par la brûlure,
Leurs yeux, au bout des nerfs que crispait la douleur,
Coulaient en se crevant comme un énorme pleur.


*


Et tout cela passait plus rapide qu’un rêve,
Dans une vision vertigineuse et brève,
Tandis que mon cheval dans sa course plongeait.
C’était comme un éclair, qui montre d’un seul jet