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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/96

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LES BLASPHÈMES

Vous êtes les épis de ces gerbes de blé
Que fait tous les matins un moissonneur étrange,
Moissonneur éternel et jamais accablé.

Chaque jour, à l’aurore, il vous coupe et vous range
Dans sa grange d’azur mystérieusement ;
Et, quand revient le soir, il vous rouvre sa grange,

Et sur les noirs sillons vos grains qu’il va semant
Repoussent aussitôt en des gerbes nouvelles.
O résurrection du céleste froment,

Quel est ce moissonneur semeur que tu révèles ?
Étoiles, laissez-moi dans vos gerbes sans fin
Comme un pauvre glaneur ravir quelques javelles.

Non, ne me chasse pas, glaive du Séraphin !
Il m’en faudrait si peu pour que ma main fût pleine !
Et devant ces monceaux de blé je meurs de faim.

Ah ! vous êtes aussi dans la divine plaine
Le tourbillon de feu des insectes rôdeurs
Qui se pâment au fond des fleurs, à perdre haleine,