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floréal

L’homme, en dressant le bois des poteaux par la plaine,
Ne s’est pas souvenu que la nature est pleine
De soupirs, de sanglots, de notes, de frissons,
Et que toute la terre est un nid de chansons.
Où son travail posait l’appareil de physique,
La nature a su mettre un peu de sa musique.


Applique ton oreille, enfant, contre le bois.
Et ton cœur entendra la voix, la grande voix,
Murmurer comme un flot sans fin, lointaine et douce.
Écoute ! C’est le grain qui poind, la fleur qui pousse ;
Tous les germes obscurs qui vont sourdre du sol
Et tous ceux que la brise emporte dans son vol ;
Tout ce qui veut jaillir près de tout ce qui tombe,
Car la terre est berceau comme la terre est tombe ;
C’est la chose qui naît et la chose qui meurt ;
C’est la mystérieuse et confuse clameur
De vie universelle éparse par l’espace.


Et tout cela tient dans ces fils où le vent passe !


Ô maîtresse, emplis bien de ce chant tout ton cœur.
Il dit qu’il faut aimer, et que l’amour vainqueur,
Dans les ruines, dans les morts, dans les désastres,
Anime les brins d’herbe aussi bien que les astres,